Armée des alpes Juin 1940

Le colonel Brillat-Savarin

A 63 ans, ce fantassin, vétéran de 14-18 et d'Afrique du Nord, reprend du service et commande la défense de Voreppe

François Joseph Hector Brillat-Savarin est né à Belley, le 7 août 1877. Après une scolarité classique à l’Institution Lamartine de Belley, il est admis à l’école militaire de Saint-Cyr (promotion de Tananarive) en octobre 1895 d’où il sort avec le grade de sous-lieutenant d’infanterie. Il est affecté au 121e régiment d’infanterie en garnison à Montluçon puis il sert comme lieutenant au 1er puis au 3e régiment étranger d’infanterie, autrement dit à la Légion étrangère.

Pendant les onze premières années du XXe siècle, il sert alternativement dans ces deux unités, tantôt en Algérie, tantôt au Maroc ou en Tunisie. Il participe aux combats devant permettre la pacification des tribus locales, l’établissement des frontières entre ces trois territoires et la protection des côtes méditerranéennes. Ce jeune lieutenant au regard perçant à travers ses yeux gris se fait remarquer pour son action, son sens du commandement et son courage, ce qui lui vaut de faire l’objet de trois citations.

Nommé capitaine en 1911, il est affecté au 20e bataillon de chasseurs à pied (BCP) stationné à Baccarat, près de la frontière franco-allemande. C’est dans cette unité, tout juste admis au grade de chevalier de la Légion d’honneur, qu’il participe à la mobilisation de 1914 et aux combats des opérations de couverture de la frontière dans les Vosges.

Dans les premiers jours des combats d’août 1914, il est gravement blessé le 10 dans la défense de Badonviller en Meurthe-et-Moselle contre les unités allemandes qui se sont emparées momentanément du village, l’ont détruit et incendié. Il est fait prisonnier et interné à la forteresse de Wülzburg proche de Weissemburg en Bavière. Il y rencontre après presque deux ans de captivité et deux tentatives d’évasion un capitaine, le futur général de Gaulle, lui aussi tout juste interné dans ce même lieu depuis sa capture à Douaumont après une blessure.

Il rentre de captivité le 28 novembre 1918 et est affecté après un congé au 8e bataillon de chasseurs à pied (BCP) dans lequel il est nommé chef de bataillon le 25 décembre 1919. A la suite de cette nomination, il est affecté au 146e régiment d’infanterie à Saint-Avold. Il participe avec son régiment, entre 1923 et 1925, à l’occupation de la Ruhr qui fait suite au non-respect par les Allemands des clauses financières du traité de Versailles, puis il est affecté à Briançon au centre d’études tactiques de montagne où il est élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur.

On le retrouve ensuite de retour au Maroc, à Fez. Il y sert au 3e régiment étranger d’infanterie qu’il commande comme colonel de 1933 à 1936, année de sa mise à la retraite ; il est élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur. Pendant ce nouveau séjour au Maroc, trois citations supplémentaires confirment ses qualités.

Le colonel Brillat-Savarin apprend comme tout le monde l’invasion de la Pologne par les troupes allemandes et, de ce fait, le déclenchement de la seconde guerre mondiale. Il décide de reprendre du service. Depuis Bourg-en-Bresse où il est affecté, le colonel Brillat-Savarin ressent l’amertume de la percée allemande en juin 1940 par le Nord. Il apprend aussi la menace que fait peser sur la région Rhône-Alpes d’une jonction des troupes allemandes avec celles italiennes bloquées sur les Alpes. Brillat-Savarin est nommé au commandement du groupement chargé d’assurer la défense de l’Isère et donc de Grenoble à hauteur de la trouée de Voreppe. Cette bataille, qui se déroule sur 3 jours, du 22 au 25 juin, dans laquelle ce colonel se montre égal à lui-même malgré ses 63 ans, est notoire. Peut-être moins connue est l’odyssée de quelques artilleurs rescapés de la bataille des Flandres, évacués de Dunkerque au moment de la débâcle, débarqués à Brest puis à Toulon et ramenant à Voreppe en une nuit du 23 au 24 juin trois batteries du 104e régiment d’artillerie lourde de 105 et de 155, excellents canons à longue portée, déterminants dans la victoire contre les panzers allemands.

Le colonel Brillat-Savarin s’est éteint dans sa demeure de Chambéry le 4 février 1969. Il avait 92 ans. Il était titulaire de la croix de guerre, étoiles d’argent et palme. François Dallemagne

Sources de la bibliographie

  • Archives Départementales de l’Ain, recensement militaire, cote 1R0091.
  • Léonore, index des titulaires de l’ordre de la Légion d’honneur.
  • Max Gallo, de Gaulle L’appel du destin, chez Bernard Lafont.
  • Paul Percevaux, Une famille notable : les Costaz, Le Bugey, n° 81, 1994.
  • Centre de documentation du musée militaire de Lyon.