Armée des alpes Juin 1940
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Code lieu: 855

Haut-Rhône (Ain et Haute Savoie)

L'action la plus notable des troupes organiques du secteur sera vers son arrière en action défensive face à l'avancée des troupes allemandes dans la vallée du Rhône et dans le Sud Jura.

Par Col (R) Claude GROSJEAN

Code lieu: 855
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Secteur défensif du Rhône

Auteur : Jean-Michel Jolas sur fond Francetopo.fr

Le Secteur Défensif du Rhône en Juin 1940

Dans un contexte de défaite militaire généralisé de l’armée française, l’Italie déclare la guerre à la France le 10 juin 1940 et passe à l’offensive le 21 juin, sans succès.

Conformément à leurs accords, les allemands détachent le XVIe Panzerkorp du général Hoepner avec 3 divisions dont deux blindés, avec pour objectif de prendre à revers les forces françaises, en occupant les villes de Grenoble, Chambéry, Annecy.

Devant cette nouvelle menace, le général Olry, commandant l’armée des alpes, réorganise son dispositif, intégrant le Secteur Défensif du Rhône et, tout en conservant ses moyens face à l’offensive italienne, fait renforcer, par tous les moyens et équipements disponibles, le nouveau front.

Il ordonne la destruction de tous les ouvrages et ponts sur le Rhône.

Dès le 17 juin, dans le SDR, toutes les unités occupent leurs positions face au Rhône afin d’interdire le passage à l’ennemi.

Le front défensif s’étend de la frontière Suisse à Culoz avec plus de 15 ouvrages d’art.

La menace allemande se précise et le 19 juin alors que les deux Panzerdivisionen poussent plus au sud, la 13° division d’infanterie motorisée du général Von Rothkirch, menace le SDR sur l’ensemble de son front ou l’ennemi a pour objectif la prise d’Annecy.

Le 22 juin la 13e division allemande lance simultanément, ses deux régiments d’infanterie, sur les positions françaises à Bellegarde, Fort l’Ecluse, Seyssel et Culoz.

 

Historique des combats dans le secteur défensif du rhône- Juin 1940

Le secteur défensif n'aura qu'un rôle mineur dans les combats contre l'Italie.
Les troupes et l'artillerie positionnée à son extrémité sud intervenant ponctuellement en soutien des combats du Beaufortain (Séloges, etc).

En fait, l'action le plus notable des troupes organiques du secteur sera vers son arrière en action défensive face à l'avancée des troupes allemandes dans la vallée du Rhône et dans le Sud Jura.

Cette menace apparait comme la plus probable dés le 15 Juin 1940, amenant à repenser entièrement le dispositif du secteur.
La progression ennemie est tracée par le 2e Bureau du secteur avec l'aide téléphonique des agents des PTT du Jura. C'est ce qui permet de faire jouer au bon moment le 17 Juin les destructions de Mijoux et du col de la Faucille, interdisant l'approche par cette direction et protégeant le détachement avancé du pays de Gex (Divonne).
Les premiers coups de feu sont tirés dés le lendemain : la section d'éclaireurs motocyclistes de le 230e DBAF (Lt COSTE), envoyée à Mijoux pour reconnaitre la destruction et l'avancée allemande, échange des coups de feux avec une colonne motorisée ennemie.

A partir du 18 Juin au soir, les 179e BAF et 189e BAF sont déplacés vers l'Ouest et le Sud pour occuper (avec le II/ 440e Pionniers et le II/141e Régiment Régional) une ligne le long du Rhône allant du fort de l'Ecluse à Génissiat, Seyssel et Serrières, et le secteur passe aux ordres directs du 2e Groupe d'Armée dont le PC s'est établi à Bourgoin puis Valence. La liaison à gauche de cette nouvelle ligne de défense se fait à Champagnieux avec le Groupement CARTIER. Le GRCA 20 et la 1e BS sont retirés du secteur dans la nuit pour aller renforcer les défenses de la vallée du Rhône. Le 199e BCHM reste seul placé face à l'Est. La structure du secteur est ajustée à cette nouvelle donne, avec deux sous-secteurs : Rhône et Arve.

Le 19 Juin à 22h, les défenseurs font sauter les ponts de Rhône de Bellegarde et Seyssel (1), qui sont approchés par les troupes allemandes descendant du Nord. Entre le 21 et 24 Juin 1940, les bataillons résisteront vaillamment contre les allemands de la 13e Inf.Div. en les bloquant à Bellegarde et au fort de l'Ecluse, tout en ralentissant leur avance autour de Culoz et de la vallée du Fier.

Le 20 Juin, le PC de secteur est transféré à Sévrier (Hotel de la Puya). Le 21 au soir, les allemands arrivent à Culoz.

Le 22 Juin, la constitution d'une position d'arrêt face à l'Ouest entre Oex, les Aravis et Marlens est ordonnée, à tenir avec le 199e BCHM et le II/614e Pionniers, créant un nouveau « sous-secteur des Aravis ». Les autres destructions sur le Rhône jouent le 22 Juin au petit matin, sauf le pont de la Loi à Culoz et le pont de Pyrimont qui ne peuvent être détruit (pétards de mélinite des DMP défectueux). Malheureusement, la batterie du 5/374e RALVF qui tenait cette zone sous son feu a juste été retirée la veille… La destruction du pont de Pyrimont peut être reprise, qui explose à 10h, mais pas celle du pont de la Loi à Culoz malgré plusieurs nouvelles tentatives sous le feu de l'ennemi. Le groupement de défense des ponts de Culoz est hétéroclite, avec des troupes régionales extirpées des dépôts et une compagnie du 189e BAF. L'inquiétude sur la tenue de ces éléments avait même poussé le CB JOULIÉ (chef d'EM de la 230e DBAC) à prendre personnellement le commandement de ce quartier. A 11h, les allemands prennent pied sur la rive gauche du Rhône par le pont route, appuyés par l'artillerie et des blindés. Au même moment d'autres éléments tentent le passage par le pont-rail, laissé intact sur ordre, en utilisant les wagons déraillés pour leur protection. Les défenseurs du pont-route sont capturés ou repoussés par l'ennemi, qui peut passer en force et tourner les défenses du pont-rail.
Les allemands établissent en conséquence en début d'après-midi une tête de pont sur la rive Est à Culoz qu'ils poussent ensuite sur Ruffieux (atteint à 15h), puis Serrières et Chindrieux au nord du lac du Bourget, atteint dans la soirée. De leur côté, la 2e compagnie du 189e BAF (Lt CARREL) qui couvrait le pont-rail est menacée sur ses arrières, fractionnée et repoussée au sud vers Chanaz. La progression est difficilement contenue par le reste du groupement du CB JOULIÉ (1 Cie du 147e RR et deux du 28e RTT) qui tient le verrou de Chindrieux, entre la falaise et le lac du Bourget, par contre toutes les autres tentatives de passage du Rhône, à Seyssel et plus au nord, sont repoussées. Dans la soirée, le Gal MICHAL ordonne l'envoi de toutes ses réserves vers la poche allemande de Culoz. L'EM du GA n°2 lui promet l'envoi dés le 23 au matin du 93e BCA, en réserve de corps.
Plus au nord, dans le quartier du 179° BAF, les choses sont mieux sous contrôle. Plusieurs tentatives à Seyssel, Bellegarde et de nombreux bombardements sont effectuées, sans succès. Les premières reconnaissances ennemies prennent contact avec le fort de l'Ecluse et sont là aussi repoussées par le feu.

Le 23 Juin, la poussée allemande se matérialise à partir de la tête de pont vers d'une part Aix les Bains au Sud, et vers Albens au sud-est par le col de Sapenay. Les combats s'y développent ainsi qu'à Grésine aux approches Nord d'Aix les Bains, où le détachement JOULIÉ s'est établi et a été renforcé par deux compagnies de marche de dépôts et quelques 75mm. Les allemands restent au contact du Rhône sur les autres positions, entre Belley et St Genix au sud, et Seyssel et Bellegarde-Fort l'Ecluse au Nord.
La progression des allemands à partir de la tête de pont de Culoz vers le nord est bloquée par le point d'appui (PA)de Chateaufort et la destruction des ponts sur le Fier. Conformément aux discussions d'avant-guerre, les ingénieurs de la SNR ouvrent les vannes du barrage de Génissiat pour augmenter le débit du Rhône en aval et rendre le passage plus difficile.
Dans l'après-midi, le détachement JOULIÉ fléchit à Grésine, partiellement tourné par l'ennemi et ne disposant que de trois pièces de 75 mm en support (dont une rapidement détruite) et se replie. Devant la situation difficile, et le risque de voir la défense du passage vers Chambéry s'effondrer, le Gal MICHAL ordonne au 93e BCA, en train d'arriver sur Chambéry en renforcement du secteur, de se reporter vers Viviers du Lac pour recueillir les restes du détachement JOULIÉ qui se replient en désordre. Aix-les-Bains tombe dans la soirée, les défenseurs tentant de se rétablir à Viviers au nord de Chambéry.
Les passages de Chambotte et du col de Sapenay résistent cependant bien à la poussée allemande. Ces deux verrous sont tenus par trois compagnies du III/141e RR et de dépôts commandées par le Cne MERMET et se battent pied à pied pour ralentir la progression allemande vers Albens et le Chéran.
Dans la soirée, les troupes encore sur le Rhône sont autorisées à se replier vers la position d'arrêt du sous-secteur des Aravis et les monts du Chat et de Chartreuse pour y établir une nouvelle ligne de défense plus courte et plus puissante. Elles laissent sur place des éléments de retardement. Le 179e BAF – sauf la 3e Cie (Cne FAVRE) qui reste en retardement au fort de l'Ecluse – se transporte vers les Contamines et le col du Bonhomme, face aux troupes italiennes, le 199e BCHM occupe la position et le col des Aravis, et le 189e BAF se concentre à Marlens pour faire barrage sur la route d'Ugine et d'Albertville. Le repli des troupes régionales et du 440e Pionniers vers ce « réduit » sert à ralentir l'avance allemande.

Dans la nuit du 23 au 24 Juin, le repositionnement se passe en bon ordre. Les troupes défendant Albens se replient sur Alby puis à l'Est du Chéran.

Le 24 Juin au petit matin, les ponts de Rumilly et Alby sur le Chéran sont détruits. Le PC du Secteur, toujours à Sévrier, est replié sur Marthod, entre Albertville et Ugine, car Annecy est maintenant exposé. A 9h, les allemands entrent dans Albens et envoient des reconnaissances vers Rumilly et Alby.
A 14h30, Rumilly tombe et le Chéran est franchi à gué par des éléments d'infanterie et un char. Les défenseurs se replient vers Sales et la crête de Marcellaz. La perte de Rumilly est un coup dur, car elle ouvre la porte d'Annecy qui n'est plus défendu et permet le contournement des défenses d'Alby et du Chéran. L'ordre de repli vers le réduit des Aravis est donné à 15h. Les éléments sur le Chéran doivent se rendre vers Marlens, et ceux encore sur le Rhône entre Bellegarde et Seyssel doivent se replier dans la nuit sur une ligne Frangy-St Julien en Genevoix.

Au moment de l'entrée en vigueur de l'armistice, le 25 à 0h35, les nouvelles positions de la ligne d'arrêt sont en cours d'aménagement. La ligne maximale atteinte par les allemands est Chateaufort sur le Fier, Rumilly, Alby, Albens, Aix. La situation est néanmoins difficile car les troupes régionales et de pionniers en mission de retardement sont sérieusement bousculées, en plein repli et pas équipées ni moralement préparées pour résister à des troupes allemandes d'active. Néanmoins, on peut penser que si les combats s'étaient poursuivis, la donne aurait changé face au réduit des Aravis, défendu en terrain favorable par trois BAF et un bataillon de pionniers quasiment intacts, correctement appuyés par des éléments d'artillerie.

A cet instant, le fort de l'Ecluse tient toujours face aux allemands après avoir repoussé leurs tentatives de passage depuis le 22 Juin. Ses défenseurs restent sur place après armistice conformément à la règle de station sur la position tenue au moment de l'armistice. Ils interdisent le 2 Juillet le passage de troupes allemandes qui veulent aller vers Genève et occuper la zone frontière. L'affaire remonte jusqu'aux états-majors des deux camps… Cette attitude leur vaudra sans doute le statut de « résistant » et une mention spéciale lors des discussions de la commission d'armistice du 2 Juillet. Sur ordre de celle-ci signé du Gal HUNTZIGER (2) ils sont capturés le 3 Juillet en présence d'un représentant français de la commission d'armistice, puis internés malgré le fait que le fort n'ait jamais été encerclé, couvrant le repli des défenseurs du Rhône… Ceci entraina des protestations véhémentes de l'encadrement supérieur du Secteur Défensif, du 14e CA (Gal BEYNET) et de l'Armée des Alpes (Gal OLRY), mais en pure perte (3).

L'ensemble des combats a couté 6 tués, 31 blessés et 273 disparus (prisonniers pour l'essentiel) aux troupes d'infanterie organiques du secteur du Rhône (les 3 BAF/BCHM, le III/141e Régiment Régional et les pionniers du 440e et II/614e Pionniers). A cela il faut rajouter les 91 prisonniers du fort l'Ecluse et le tué et les 140 « disparus » du 28e RTT.

Le SD du Rhône est finalement dissout le 15 Juillet 1940.

Notes :
(1) : étrangement, le GA n°2 interdira la destruction des points de voies ferrées, mais leur simple « obturation » par déraillement de wagons, ce qui n’empêchera pas les infiltrations d'infanterie. Ainsi le 22 Juin le pont-rail de Culoz sera utilisé par l'ennemi pour infiltrer les arrières des défenseurs du pont de la Loi qui n'avait pas sauté.
(2) Comme pour le traitement du cas des troupes Maginot du Nord-Est, il est probable que la partie française de la commission ait été « trompée » sur l'effectif réel stationnant au fort de l'Ecluse. L'ordre de reddition de HUNTZIGER mentionne en effet 1 officier et 40 hommes alors qu'en réalité c'est une compagnie pratiquement complète qui défend le passage…
(3) La demande de citation des défenseurs du fort est rejetée dans un premier temps. En Octobre 1940 et suite à relance du Gal OLRY, le Gal HUNTZIGER – comprenant finalement son erreur – fera personnellement citer les défenseurs du fort, et leur chef le Cne FAVRE, à l'ordre de l'Armée.

Rédaction :

Jean-Michel Jolas 04/2016, complété en 06/2019 et 09/2020

Sources :

SHD – archives du SD Rhône – cartons 33N134 à 149
voir bibliographie, Sites internet Mémoire-des-alpins.com

 

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