Armée des alpes Juin 1940
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Code lieu: 443

Alpes-Maritimes

Le 10 juin 1940, Mussolini déclare la guerre à la France. Au cœur de ses objectifs de guerre, l’annexion de Nice et de la Savoie, considérées comme terres italiennes depuis leur rattachement à la France en 1860.

Par Jean Pierre MARTIN et Marc ENDINGER

Code lieu: 443
Accès à pied
Parking gare du sud Payant

Juin 1940, Nice au cœur de la bataille !

La bataille pour Nice et la Provence

Préface du général Weygand. Avant-propos de M. Jean Médecin. Par MONTAGNE, Général A. Edité par Arceaux, Montpellier, 1952

La défense de la capitale azuréenne se fera au plus près de la frontière, depuis Menton jusqu’aux hautes vallées ; les secteurs où se sont déroulés ces combats sont indiqués sur la carte par des étoiles bleues…
Nice restera au cœur de la bataille, car c’est dans la ville que se trouvent les bases arrière de l’armée des Alpes, ses dépôts, ses centres de ravitaillement, et l’âme de la résistance à l’envahisseur.
Le quartier général (QG) du secteur fortifié des alpes maritimes (SFAM) est à Saint-Pons, celui du XVe corps à Vence.

  • Du 17 au 19 juin, quelques raids aériens et des tirs d’artillerie ;
  • Le 20 lancement de l’assaut vers Isola, St Martin et Menton ;
  • Le 22 l’offensive est générale, avec effort vers Menton et Sospel ;
  • Le 25 le cessez-le-feu met fin aux combats.

Bilans:

  • Pertes italiennes : 179 tués, 813 blessés, 43 gelés et 106 prisonniers ou disparus, soit 1.141 hommes hors de combat, sinon plus ?

Les gains italiens sont dérisoire: 3 kilomètres vers Isola, 2 kilomètres au Boréon et dans la Gordolasque, la prise de Berghe et Fontan dans la Roya, la prise des 2/3 de Menton et du port.

  • Les Français ne déplorent que 9 tués, 42 blessés et 33 prisonniers.

 

LE COMTÉ DE NICE EN 1940

Données générales

Fraîchement rattaché à la France depuis quatre-vingt ans, le Comté de Nice se retrouve en première ligne face aux intentions annexionnistes de l’ancienne puissance tutélaire, en ce printemps de 1940. Avant de décrire les combats qui vont se dérouler sur son sol, peut-être est-il utile de brosser un panorama de ce département au déclenchement du second conflit mondial.

Il comptait alors 530.000 habitants, pour l’essentiel répartis sur la bande littorale. Nice en dénombrait 242.000, Cannes 50.000, Antibes 25.000, Menton 22.000, pour ne citer que les principales agglomérations. Le haut pays subissait de plein fouet l’exode rural et la saignée démographique de la Grande Guerre. La population rurale ne dépassait pas les 16% du total. Particularité de cette population, elle comptait la plus forte proportion d’étrangers de France, 22% contre 7%. Ce qui ne laissait pas d’inquiéter les pouvoirs publics, d’autant que 74% était d’origine italienne (83.000 individus). Or c’était précisément contre la puissance italienne qu’on élevait ces immenses barrages fortifiés à nos frontières.

Ces populations transalpines provenaient pour une part de l’immigration économique de la fin du XIXe siècle, piémontaise pour l’essentiel, et d’autre part de l’immigration politique des années 20, liée à la montée du fascisme (les fuorusciti, originaires le plus souvent d’Ombrie et de Toscane). Mais les craintes fondées sur ces minorités étrangères se révélèrent vaines, car excepté le réseau consulaire italien qui animait une poignée de chemises noires, sorte de milices fascistes, la majorité de la population immigrée prendra fait et cause pour la France, comme le démontrera la participation des transalpins à la Résistance.

Le département avait largement rattrapé son retard économique depuis son rattachement à la France. Au tourisme aristocratique de la Belle époque avait succédé une fréquentation plus populaire, notamment depuis l’apparition des congés payés. Il n’est pas étonnant que le secteur tertiaire draine plus de 50% des emplois. Mais l’industrie s’y était également considérablement développée avec le bâtiment (cimenterie Vicat à la Grave-de-Peille), la chimie, la métallurgie (Aciéries du Nord et la SNACASO à Cannes-la-Bocca), l’agroalimentaire (minoterie CAM, huilerie Audemard) … Le port de Nice affiche une relative santé, après la crise de 1929, avec 389.000 tonnes de marchandises et 90.000 passagers par an.

La vie culturelle est animée avec notamment l’industrie cinématographique aux studios de la Victorine, et la programmation du premier Festival de Cannes en septembre 1939, reporté pour cause de guerre.

À partir de 1938 et les tensions internationales, la menace italienne se précise. Dans le cadre du plan Ciano, un millier de transalpins sont rapatriés, tandis que de nombreux juifs étrangers résidant dans la péninsule sont expulsés vers la France. Mais cette menace avait été anticipée par l’État-major dans les années 30 avec une forte présence militaire et la création d'un puissant secteur fortifié .

secteur fortifié des Alpes Maritimes

Du col de Larche jusqu’à la mer, elle dessinait un vaste saillant de cent vingt kilomètres de développement, et laissait l’essentiel de la crête militaire aux mains des Italiens, passant à portée d’Isola, effleurant Saint-Martin-Vésubie et englobant toute la haute Roya, ce qui en rendait la défense particulièrement complexe.
Par ailleurs Nice était sous la menace directe des trois vallées qui convergeaient vers elle, Var, Tinée, Vésubie.
Si l’on examine maintenant plus en détail l’architecture de cette frontière, on constate qu’elle est tout sauf homogène.

Elle s’articule en deux segments très différents :

  • Du col de Larche au massif de l’Authion, elle s’appuie sur de hauts massifs, et les points de franchissement, quelques cols muletiers, ne s’abaissent pas en-dessous de 2.000 mètres. S’ils sont franchissables par des éléments d’infanterie formés à la haute montagne, ils sont impraticables à tout ce qui permet de faire vivre une bataille, et notamment l’artillerie et la logistique.
  • Des hauteurs de l’Authion à la mer, le terrain devient beaucoup plus favorable, et les axes de pénétration à gros débit ne manquent pas, route de Sospel, route de Laghet, routes littorales. Par ces voies partant de Tende et Vintimille, les troupes de Mussolini pouvaient masser des forces importantes, mécanisées, d’artillerie, de logistique.

On comprend bien dès lors que le schéma défensif sera dissemblable selon la nature du terrain qu’aurait à emprunter l’ennemi.

Pour éviter de renouveler les bains de sang de la Grande Guerre, et pour tenir compte des enseignements militaires de ce conflit, les responsables militaires ont choisi de dresser à nos frontières une muraille de béton et d’acier considérée comme infranchissable. Chez nous ce sera la Ligne Maginot alpine, dont les premiers travaux remontent à 1929. En une dizaine d’années, ce ne sont pas moins de 14 gros ouvrages, 20 petits ouvrages, 18 ouvrages d’avant-poste et 34 casemates d’infanterie qui sont construits. L’effort est mis sur la partie sud de la frontière, jugée plus perméable, face au saillant de Breil et aux routes du littoral. Si dans la partie nord, on ne compte que trois ouvrages mixtes (infanterie-artillerie), Rimplas, Flaut et Gordolon, le reste étant constitué d’avant-postes et de casemates isolées, au sud la densité d’ouvrages est très supérieure.

L’Authion, pièce maîtresse du dispositif défensif face à la trouée de Breil, est solidement occupé par les ouvrages de la redoute des Trois-Communes, l’ouvrage d’artillerie de Plan-Caval,l’avant-poste du col de Raus, les petits ouvrages de la Baisse de Saint-Véran, la Déa, la Béole et du col d’Agnon, avec le complément des forts Séré de Rivières de la Forca et Mille-Fourches. Pour défendre Sospel, un impressionnant dispositif est dressé, avec les ouvrages mixtes du col de Brouis, Monte-Grosso, Agaïsen, Saint-Roch, Barbonnet, complétés par des avant-postes d’infanterie (Croix de Cougoule , Castes-Ruines, Baisse de Scuvion).

Quant au sous-secteur Corniche, le plus vulnérable, il ne compte pas moins de cinq ouvrages mixtes, Castillon, Sainte-Agnès, Roquebrune-Cornillat, Cap-Martin et Mont-Agel.

La densité de troupes en 1939 dans le département est sans précédent : six bataillons de chasseurs alpins (9e et 20e à Antibes, 18e à Grasse, 22e à Nice, 24e à Villefranche, 25e à Menton), trois bataillons alpins de forteresse, (74e BAF à Lantosque, 75e BAF à Sospel, 76e BAF à Menton), un régiment d’artillerie de montagne (94e RAM à Nice), un régiment d’artillerie de position (157e RAP à Menton), ainsi que deux bataillons détachés des 3e RIA (Hyères) et 141e RIA (Marseille). Nice abritait également le PC de la 29e division d’infanterie alpine. Toutes ces formations relevaient du XVe corps stationné à Marseille.

Encadrée par des officiers de valeur, elle était particulièrement réactive et efficace.

La bataille des Alpes, vue du côté italien, fait apparaître que celle-ci leur a été imposée brutalement en raison de l’évolution imprévue de la situation politique causée par la victoire allemande.

Dispositif italien face au XV° corps en juin 1940

 

En effet l’Italie, depuis l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne, avait adopté une position de neutralité. Mais le 10 juin Mussolini, devant la rapidité des victoires allemandes, déclara devant une foule tout acquise à sa cause que la Corse, la Savoie, Nice, la Tunisie et Djibouti étaient italienne : le fameux coup de poignard dans le dos venait d’être planté, et cela malgré les alertes des hautes autorités militaires concernant l’impréparation de l’armée pour une offensive aussi rapide.

Certes l’Italie avait mobilisé son armée, mais en occupant défensivement les Alpes avec la logistique particulière dédiée à la défensive et sans hostilité apparente contre la France. En première ligne se trouvaient souvent des divisions à base de réservistes, peu instruites et mal équipées ; l’armement et le matériel datait souvent de la première guerre mondiale. En arrière se tenaient des unités blindées et motorisées prêtes à exploiter la percée.

Numériquement l’armée italienne avait un gros avantage sur la française, mais le terrain alpin ne se prêtait pas à une offensive facile. En effet, la réussite de celle-ci n’était possible que si la logistique pouvait suivre. Or, pour alimenter et soutenir leur combat, les divisions qui attaquaient les Alpes-Maritimes ne disposaient que de sentiers muletiers parfois situés au-dessus de 2000 m. Seules les routes de la Roya et du bord de mer étaient praticables aux véhicules, mais barrées par de puissantes fortifications. De plus, l’artillerie française avait bien réparti ses pièces pour battre les passages obligés.

Face aux Alpes-Maritimes, défendu par le XVe corps, l’armée italienne (Regioesercito) disposait (face à la Tinée) d’une partie de son IIe corps d’armée (général Bertini), l’autre partie étant engagée en Ubaye, Ubayette et Haute-Tinée dans le cadre de l’Opération M, du IIIe corps (général Arisio) face à la haute Vésubie et dans la haute Roya, et du XVe corps (général Berti) de la basse Roya jusqu’à la mer.

Répartis sur la frontière (en partant du nord au sud, c’est-à-dire de la haute Tinée à la mer) nous avions donc :

  • en haute Tinée, la 4e division d’infanterie Livorno, avec comme objectif de protéger le flanc gauche de l’offensive prévue sur le col de Larche (opération Maddalena)
  • en haute Vésubie, le 1er groupement alpin Gessi, avec comme mission de fixer les troupes françaises au centre du dispositif.
  • enRoya, la 3e division d’infanterie Ravena avec le même objectif
  • entre Sospel et Castellar, la 37e division d’infanterie Modena avec comme objectif Castillon, Mont Ours et Peille.
  • entre Castellar et Menton, la 5e division d’infanterie Cosseria avec comme objectif Roquebrune et la Turbie afin de pouvoir également appuyer un débarquement.

L’objectif principal de ces deux dernières divisions était la ville de Nice et aussi de permettre aux divisions de réserve de progresser vers Marseille (Opération R).

Ce 10 juin l’armée italienne avait toujours la consigne « de ne pas tirer ni pénétrer en territoire français » aussi la grande majorité des militaires pensait que cette déclaration de guerre n’était qu’un acte politique et qu’il ne serait pas suivi de combats.

Au niveau de l’armée de l’Air (RegiaAeronautica) celle-ci fut active dès le 11 juin. En effet un bombardier BR 20 parvint à faire une reconnaissance au-dessus du port de Toulon. Le 13 juin et les jours suivants elle commença ses incursions offensives sur la France en bombardant la gare de Cannes-la-Bocca, faisant des victimes civiles, Golfe-Juan, le Fort carré d’Antibes, les terrains d’aviation de Cannes-Mandelieu, de Fayence, de Hyères-Palyvestre, du Luc-Le Cannet, de Cuers-Pierrefeu ainsi que la base navale de Toulon. Des bombardements sur la zone frontière eurent lieu le 22 juin au moment de l’offensive. Ceux-ci étaient dirigés vers les forts mais les conditions météo exécrables réduisirent énormément leurs effets. Toutefois des BR 20 bombardèrent le Mont Ours, le Mont Agel, le Mont Chauve avec des résultats insignifiants car très imprécis. D’autres missions prévues sur Roquebrune et le Barbonnet furent annulées. Un bombardement fut également effectué sur Berre-les-Alpes alors qu’aucun dispositif militaire ne s’y trouvait, faisant des victimes civiles.

La Marine (Regia Marina) mit à la disposition de l’armée son train armé n°2 (équipé de 4 canons de 120mm) afin de battre l’ouvrage du Cap-Martin et d’appuyer un débarquement. Celui-ci sera détruit par les tourelles du Mont Agel le 22 juin.

Le débarquement était prévu dans la nuit du 22 au 23 juin sur deux plages, à Menton et entre Monaco et Roquebrune. N’ayant pas de navires adaptés pour cela, la marine italienne choisit d’utiliser des embarcations civiles à moteur. Les problèmes apparurent dès le début de la traversée en raison des différences de vitesse des embarcations et de pannes. De plus, la mer se mit à grossir et la lune à éclairer l’opération. Devant tous ces imprévus, l’amiral Giovanola décida de reporter au lendemain l’opération, mais celle-ci n’aura pas lieu.

L’artillerie de campagne des Alpes Maritimes

Outre l’artillerie de position, rivée aux ouvrages, notre secteur fortifié disposait d’une artillerie de campagne capable de prendre position hors du réseau bétonné, et de compléter ses feux, notamment en battant les inévitables angles morts.

L'artillerie était organisée autour de deux grandes unités, le secteur fortifié des Alpes-Maritimes, la 65e division d’infanterie.

  • SFAM : Le secteur alignait, outre les pièces d’ouvrages, un certain nombre de batteries de campagne. Le 157e régiment d’artillerie de position ( RAP ) à quatre groupes positionnés à la tête de la Lavina, au mont Agel, à Braus et à la Turbie. S’y adjoignait le Ier groupe du 96e régiment d’artillerie de montagne, détaché de la 65e DI, ainsi que le 158e RAP à trois groupes, installés à l’Authion et au Braus. S’y rajoute le 113e RALH avec un groupe à Fontbonne et trois groupes entre le Braus et Segra, le 149e RALH avec trois groupes autour de la Tête de Chien et un groupe à L’Authion, à La Commenda se trouvait le 202e RALC  ( Sospel ), deux pièces du II/374e RALVF à Eze et une pièce de 340 du 372e RALVF ( qui n’a pas tiré ).
  • 65e DI : Cette grande unité comptait le 167e RAP à quatre groupes respectivement à Villeneuve-d’Entraunes, Beuil, Marie et Lantosque.
    On y trouvait également un groupe détaché du 158e RAP, ainsi que le 96e RAM à deux groupes, aux Granges de la Brasque et Péone.
    Enfin deux groupes d’artillerie lourde du 296e RA.
    S’y rajoute le 113e RALH avec un groupe à Fontbonne et trois groupes entre le Braus et Segra,
    le 149e RALH avec trois groupes autour de la Tête de Chien et un groupe à L’Authion,
    à La Commenda se trouvait le 202e RALC  (Sospel), trois pièces du II/374e RALVF à Eze et une pièce de 340 du 372e RALVF (qui n’a pas tiré)

Les matériels servis étaient le plus souvent très disparates, ce qui n’était pas sans conséquence au plan logistique. Ainsi le 158e RAP ne compte, hors artillerie des ouvrages, de nombreux modèles différents, du 65mm Mle 1906 de montagne, du 75mm Mle 1897, du 105 Mle 1913, du 155 long Mle 1877, du 155 long Mle 1916, du 155 court Saint-Chamond, du 150T au 220 long Mle 1917. Au total une cinquantaine de bouches à feu. Cette absence d’homogénéité, si elle pouvait procurer une certaine souplesse dans l’utilisation, posait de gros problèmes de ravitaillement.

Le 157e RAP alignait quant à lui 55 pièces d’artillerie de calibres également très divers. Ce régiment s’illustrera au feu. Ainsi Le 24, une salve de 11 obus de la 1ére batterie (145/155L) détruira un convoi en gare de Vintimille, alors qu’un déluge de feu s'abat sur la partie occupée de Menton pour tenter d'en déloger l'ennemi juste avant la signature du cessez le feu. Pour son action il sera cité à l’ordre de l’Armée.

Sincères remerciements à la municipalité de Nice et à l'amicale nationale du 22e BCA pour leur soutien!

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