Armée des alpes Juin 1940

6 septembre: inauguration du chemin de mémoire du Briançonnais

Inauguration / 9 septembre 2022

En 1940 Briançon était la base arrière immédiate du front. De nombreuses garnisons de soldats y étaient stationnées dans les forts et les casernes. Les postes de commandement, les compagnies logistiques et d’appui du génie des bataillons de première lignes étaient à Fontchristiane, au Randouillet, au Fort Dauphin et dans les casernes du 159. Une puissante artillerie était également dispersée dans la ville beaucoup moins urbanisée qu’aujourd’hui. A l’horizon se dressait la menace permanente des canons du Chaberton. Depuis trente ans Briançon en avait une peur sourde.

Le groupe historique de Souvenir Sauvegarde et Histoire Militaire et la panneau

Source: GLiebenguth

Prise de parole du GDI (2S) Hervé Bizeul, président de l'Association du régiment de la neige et responsable du chemin de mémoire des Hautes Alpes

 

Nous sommes rassemblés ici au lieu dit des Portes de la Durance pour inaugurer le premier panneau du triptyque de la bataille des Alpes des Hautes Alpes. Ce projet de mémoire et d’histoire porte sur la bataille des Alpes de juin 1940 menée par les troupes de montagne face aux Italiens ici sur la frontière et face aux Allemands dans la Drôme, l’Isère, la Savoie, la Haute-Savoie et l'Ain. C’est une bataille ignorée car elle a été emportée par le tragique de la bataille de France mais pourtant c’est une belle victoire française au milieu du tourbillon de l’histoire. 

Que la France l’ait un peu oubliée on peut le comprendre mais que nos pays alpins l’ignorent, c’était dommage. Non seulement car c’est un affrontement qui se passe chez nous et qu'il y en a encore des traces partout dans nos paysages mais également parce qu’il préfigure la résistance des alpins face à un envahisseur qui ne les avait jamais vaincu militairement. La plupart des maquis alpins ont en effet été constitués au départ par des anciens soldats de l'armée des Alpes qui n’avaient pas accepté l’armistice qui leur volait la victoire de juin 1940. Nous retrouverons ces officiers, sous-officiers et soldats du 159, du 93 RAM, du 154° RAP et des bataillons alpins de forteresse dans les combats de la résistance et de la libération de Briançon.  

 

Le triptyque comme son nom l'indique comporte trois volets. Tout d'abord ici dans les Hautes Alpes une quinzaine de panneaux placés dans les endroits emblématiques des combats, ensuite un site internet et enfin un guide Michelin historique qui sera à disposition dans les offices de tourisme du département mais également dans toutes les Alpes car vous l'avez compris ce projet dépasse le cadre de notre département et s'étend de la Haute-Savoie aux Alpes Maritimes. 

Le premier panneau que nous allons dévoiler dans quelques instants est celui de Briançon. En 1940 Briançon était la base arrière immédiate du front. De nombreuses garnisons de soldats y étaient stationnées dans les forts et les casernes. Les postes de commandement, les compagnies logistiques et d’appui du génie des bataillons de première lignes étaient à Fontchristiane, au Randouillet, au Fort Dauphin et dans les casernes du 159. Une puissante artillerie était également dispersée dans la ville beaucoup moins urbanisée qu’aujourd’hui. A l’horizon se dressait la menace permanente des canons du Chaberton. Depuis trente ans Briançon en avait une peur sourde. 

Lorsque les premiers combats importants se sont déclenchés vers le 17 juin ils ont tout d’abord marqué la vallée de la Clarée au col de l’Echelle et aux Acles. Deux panneaux seront déployés à Névache et à Plampinet pour les expliquer. Mais ils ont surtout été très intenses à Montgenèvre et au dessus de Cervières à partir du 20 juin où quatre panneaux seront implantés.  À Abriès également l’attaque italienne a commencé le 20 juin pour s’intensifier les jours suivants. 

Prise de parole du GDI (2S) Hervé Bizeul

Source:Gliebenguth

Le 21 juin les Italiens lancent en effet leur offensive générale. Mais à trois contre un, les alpins tiennent. C’est ce jour là que le Chaberton sera détruit par les mortiers de 280 mm du Lieutenant Miguet du 154° Régiment d'Artillerie de Position placé derrière l'Infernet à l'Eyrette et à Poët Morand guidés par les observatoires de l’Infernet, du Janus et de La Croix de Toulouse. Le fort italien sera neutralisé. Il aura cependant tiré près d'un millier d'obus sur le Janus, le fort de l'Olive et le fort des têtes. Mais j'ai toujours été impressionné par la magnanimité du capitaine Bevilacqua commandant le Chaberton, qui s'abstint de frapper Briançon. Il aurait pu le faire de dépit. Il ne l'a pas fait par humanité. C'est un geste à mettre à son crédit et qui fait honneur aux Italiens.

Les combats se poursuivront jusqu’au 24 juin. Grâce à une coopération parfaite de l’infanterie et de l’artillerie, nulle part les Italiens n'ont atteint la ligne de résistance principale marquée ici par les ouvrages de la ligne de crête des Granons et des Gondrans et le verrou de Val des Prés. Dans le Queyras, elle se situait à hauteur de Château Queyras et du sommet Bûcher.

Dans tous ces lieux, des panneaux expliqueront les combats. Ils apporteront une réponse à tous ceux qui, un jour se sont interrogés; heurtant un blockhaus dont les armes se sont tues ou un abri alpin en tôle métro comme celui que Maxime Guilpain a rénové à Val des Prés. Oui notre région a été marquée par la guerre. Et oui, nous l'avons ici gagnée.

Je remercie les maires qui ont accueilli ce projet avec intérêt alors qu'il n'était pas dans leurs priorités au sortir du confinement. Certains d'entres-eux sont parmi nous.

Je remercie également le conseil départemental qui nous soutient sans faille depuis le début sans oublier Mme Boyer députée des Hautes Alpes , madame la Directrice de l’ONAC VG ainsi que la Région Sud au travers de l’appui de Mme Eyméoud également maire d’Embrun. Au niveau national, la Fédération des Soldats de Montagne et la 27° BIM ont d’emblée été appuyées par le ministère de armées et le secrétariat des anciens combattants et je me souviens de la venue de Mme Darrieussecq à Cervières le 20 juin 2020 pour célébrer les 80 ans des combats. La présence du général Sanzey commandant la 27° brigade d'infanterie alpine témoigne enfin de l'appui sans faille des troupes de montagne. Je le remercie de sa présence. Ce projet est donc une œuvre collective qui enrichira nos connaissances et favorisera surtout  le tourisme de mémoire dans le Briançonnais et le Queyras. Avant de laisser la parole à Patrick Lemaître, l'historien avec qui j'ai travaillé de concert sur le projet, je voudrais encore citer Nicolas Izquierdo qui m'a beaucoup aidé pour tout ce qui a trait à la vallée de la Clarée dont il connait parfaitement l'histoire. je termine en saluant le général Klein, Président de la FRESM, qui porte le projet du triptyque au niveau de l'ensemble des Alpes et avec qui j'ai bien évidemment travaillé de concert.

Mais il est temps pour moi de laisser la place. Je cède la parole à Patrick Lemaître.

 

Prise de parole de Patrick Lemaître président de l'association SSHM

source Gliebenguth

Prise de parole de Monsieur Patrick Lemaître, historien et président de l'association Souvenir Sauvegarde et Histoire Militaire

 

Nous étions un peu naïfs et l'on croyait au début de la guerre avec l'Allemagne à la neutralité italienne. Alors logiquement le commandement avait dégarni le front des Alpes au profit du Nord-est. Même le 159e avait pris, début décembre 1939, la direction des Ardennes et de la ligne Maginot. Il ne restait ici que les troupes alpines de forteresse qui tenaient les forts, quelques bataillons alpins de réserve et les fameuses sections d’éclaireurs skieurs qui patrouillaient sur la frontière.

Le 10 juin 1940, dès la proclamation de l’entrée en guerre de l’Italie, Névache, Cervières, Montgenèvre furent évacuées. Le cœur serré. Les Briançonnais assistèrent à ce triste défilé des habitants  proches de la frontière quittant leur village, leur hameau, leur chalet d’alpage, en pleine nuit, à pied, en bicyclette, en charrette; les plus privilégiés en automobile; emportant  leurs maigres biens rassemblées dans l'urgence. Quelques Briançonnais quittèrent aussi la ville. Parqués sous la pluie autour des gares d’embarquement, vers minuit, les évacués entendirent avec effroi les explosions de destruction des routes de Montgenèvre et des Aittes. « Quand on y pense ! Dire que ce matin on était encore à la traditionnelle foire de juin de Briançon ».

Le Briançonnais était défendu par 6 bataillons d’infanteries, 8 groupes d’artilleries, 10 sections d’éclaireurs skieurs et quelques sections de fusillés voltigeurs. Dans la commune même de Briançon, on avait disposé différentes batteries d’artillerie sur la rive droite de la Guisane, avenue du Lautaret, sur le mamelon du Serre paix, au Champ-de-Mars à proximité du cimetière, à Fontchristianne ainsi qu’à Chamandrin.

L’aviation italienne bombarda Briançon le 21 juin, le 23, Briançon fut à nouveau bombardé durant quatre heures. Plusieurs maisons et les remparts de la cité Vauban, furent endommagés. Le Champ-de-Mars fut labouré sur plusieurs points. La canalisation des sources de la Draye crevée, on dut alimenter la ville par la seule source de l’Adoux. Le pont-levis fut relevé et des barbelés couvrirent le Champ-de-Mars au cas où l'ennemi percerait les défenses de Montgenèvre et de Val des Prés. On fut quitte pour la peur et le 24 juin après une ultime et vaine tentative italienne, l’armistice fut signé à 18h35. Les offensives italiennes, avaient été partout contenues.

Victoire totale et sans discussion, la bataille des Alpes est restée méconnue. Acquise vers la fin de la campagne de France, elle est passée inaperçue du grand public, qui avait bien d’autres soucis. L’hommage de la presse est resté local et il faut attendre l’après-guerre pour découvrir les premiers écrits sur le sujet.

Rappelons-nous cependant que des hommes se sont battus ici dans le Briançonnais, qu'ils ont souffert et sont tombés sur notre sol, alors que la guerre était perdue. En aucun endroit la position principale de résistance n’a été percée. Seuls les avant-postes et les SES ont subi et résisté aux attaques italiennes pourtant nettement supérieures en nombre. Cette résistance a préservé de l’occupation de nombreux villages hauts alpins et  sauvegardé de la captivité de nombreux hommes. Les Haut alpins en ce terrible mois de juin, ont accompli leur devoir avec le sentiment d'avoir vaillamment défendu leurs vallées et leurs maisons. La mission avait été remplie avec honneur et les alpins de 1940 étaient invaincus.

Le panneau

Source Gliebenguth