Les combats de Plampinet et des Acles
Le 18 juin 1940 vers 20 h 30, les Italiens de la "Guardia alla Frontiera", lancent leur attaque depuis le col des Désertes.
Par GDI(2S) Hervé Bizeul, Patrick Lemaitre, Nicolas Izquierdo
Un bataillon italien pénètre dans le vallon et se heurte aux deux sections du 95° BCA qui occupent les points d'appui de la Reyrarde et de la Moraine Pece.
L'artillerie appuie l'assaut de l'infanterie, mais elle tire mal. Après un court accrochage, les défenseurs français, au nombre de 70, face à environ un millier d'assaillants se replient, tout en combattant, en direction du blockhaus de la Cleyda, où se trouve la SES du bataillon qui les recueille. Néanmoins, l'ennemi poursuivant son action en force, les trois sections reculent à leur tour, toujours sans pertes, et évacuent de leurs propre chef le blockhaus. Sous la pression ennemie, Plampinet est abandonné un peu hâtivement par les chasseurs qui se replient rive gauche de la Clarée.
Le général Cyvoct demande au 95°BCA de rependre ses positions. Après un tir d'artillerie, le blockhaus de la Cleyda est réoccupé dans la nuit par une section de chasseurs alpins qui ne rencontre aucune résistance
Curieusement les Italiens n'ont pas cherché à pousser leur avantage et ils se sont repliés.
Voulaient-ils vraiment conquérir Plampinet et les Acles ou faisait-il simplement un test du dispositif français ?
Gal Cyvoct Henri commandant le SF Dauphiné
Image défense
Le général Cyvoct est furieux, il demande au 95e BCA de rependre ses positions.
La mission du 95° Bataillon de Chasseurs Alpins consiste à partir de mai 1940 à interdire l’accès à la crête de Peyrolles et au col des Barteaux, en liaison avec le 82° Bataillon Alpin de Forteresse (BAF) et le 91° Bataillon de Chasseurs Alpins (BCA), au sud.
Il forme avec les 86° et 91° bataillons la 47° Demi Brigade de Chasseurs Alpins (DBCA) elle même rattachée à la 64° Division d'Infanterie Alpine (DIAlp ou DI). Cette demi brigade tient le Sous-secteur Haute Clarée/Guisane à partir du 23 avril 1940. A partir du 22 mai 1940, le 95° BCA place son PC au col du Granon.
Sur la ligne d'avant-postes, la 3° compagnie du 95° BCA est chargée par son chef de corps de défendre Plampinet et l'accès au vallon des Acles. Son PC à Plampinet était à l'origine celui d'une Section d'Eclaireurs Skieurs (SES) du 159° RIA (Régiment d'Infanterie Alpine). C'est la raison pour laquelle l'insigne du 159 était dessiné sur la façade de la maison située juste à droite avant le pont qui franchit la Clarée au nord-ouest du village. En mai 40, il deviendra le PC de la 3° compagnie du 95° BCA commandée par le Cne FILIOL. la compagnie est renforcée par la SES du 95° BCA.
Pour mener à bien sa mission, le capitaine décide logiquement de faire effort vers l'avant. Il place sa SES au niveau du hameau des Acles en haut du vallon et lui demande de patrouiller vers le col de Desertes et les crêtes frontalières et de renseigner sur l'activité italienne. Avec deux sections (deux fois 25 à 30 hommes) s'appuyant sur la quinzaine de blockhaus construits de part et d'autre du torrent des Acles il interdit le vallon. Il garde Plampinet avec sa troisième section.
le 18 juin 1940 vers 20 h 30, les Italiens, lancent leur attaque. Ils sont vraiment très nombreux. Selon les impressions des Français, c'est tout un bataillon, environ un millier d'hommes, qui pénètre dans le vallon et se heurte aux deux sections du 95° BCA qui occupent les points d'appui de la Reyrarde et de la Moraine Pece. L'artillerie italienne appuie l'assaut de son infanterie et rajoute à l'impression d'une attaque d'ampleur . Les chasseurs ripostent mais craignant d'être submergés, ils se replient, tout en combattant, en direction du blockhaus de la Cleyda, où se trouve déjà la SES du bataillon qui les recueille. La mission du blockhaus est de protéger la destruction du chemin et le repli de la SES 95° BCA et du PA de la Reyrarde. Néanmoins, l'ennemi poursuivant son action, les trois sections reculent à leur tour, toujours sans pertes grâce à la nuit qui s'installe et évacuent de leurs propre chef le blockhaus.
Ce retrait précipité n'est pas du goût du général Cyvoct qui ordonne au chef de corps du 95° BCA de reprendre immédiatement Plampinet et la Cleyda.
Dans la nuit la SES du 95° BCA reçoit l'ordre de franchir la Clarée et de remonter le vallon. Elle s'infiltre prudemment vers le blockhaus mais ne rencontre aucun italien. Curieusement ceux-ci se sont visiblement repliés.
Qu'est-ce qui explique cette attitude insolite des Italiens ? La première phase de la bataille était pourtant gagnée puisqu'ils avaient dépassé à cet endroit les avant-postes français.
Lorsqu'on étudie les ordres de l'armée italienne on réalise que les attaques du col de l'Echelle et du vallon des Acles visaient probablement à s'assurer du maintien de l'attitude défensive des Français en exerçant sur eux une certaine pression.
Voici d'ailleurs ce que dit le cahier de marche et des opérations de la division Superga sur l'action du 3° bataillon du 92° RI ce soir-là : « Nella tarda serate del 18 giugno, un bombardemento italiano nella zona Acles-Plampinet, e la contemporanea uscita di alcune pattuglie, furono scambiati dai Francesi, lasciando scorperti gli Chalets des Acles e il fortino della Cleyda, la cui zona fu sottoposta ad un pesante tiro di sbarramento per fermare dei fantasmi!
Il momentaneo sbandamento francese fu coperto dall'oscurita, senza che gli Italiani ne avessero sentore ».
En substance : « En fin de soirée le 18 juin, un bombardement italien dans la zone des Acles-Plampinet, en même temps que la sortie de quelques patrouilles, trompèrent les Français qui laissèrent à découvert les chalets des Acles et le fortin de la Cleyda et qui soumirent la zone à un violent barrage pour arrêter les fantômes !
Les Italiens ne s'aperçurent pas du retrait français, couverts par l'obscurité. »
Le CR italien des événements est assez crédible. Il est peu probable en effet que tout un bataillon se soit engagé dans le vallon pour finalement rebrousser chemin avant le lever du jour sans rester sur ses positions. Le 3° bataillon du 92 ° RI avait dû envoyer dans le vallon l'équivalent d'une compagnie tout au plus pour tester le dispositif français. Suffisamment pour qu'à la faveur de la nuit les Français croient à une attaque en règle.
En réalité, l'effort des unités de la Division Superga n'était pas de conquérir la Clarée. Appartenant au 1er corps d'armée italien qui allait attaquer deux jours plus tard en direction de Modane[1], la division voulait soit maintenir les Français de l'Echelle et des Acles à distance pour couvrir ses flancs et sa logistique basée à Bardonecchia[2], soit tromper les Français sur sa future direction d'attaque, soit tout simplement tester le dispositif français et mesurer sa combativité. C'est ce qu'elle a fait. Mais peut-être le commandement italien a-t-il manqué à cet endroit d'opportunisme car la porte de la Clarée avait été fugitivement ouverte.
[2] Les Italiens savaient que les Français n'avaient absolument pas les moyens de passer à l'offensive compte tenu des moyens qui avaient prélevés sur l'armée des Alpes pour faire face aux Allemands. Mais un coup de main limité avec les SES sur Bardonecchia était cependant possible après le déclenchement de l'offensive vers Modane.
Références
Site Wikimaginot.eu
Journal des opérations de la division Superga 10–25 giugno 1940 La Divisione Superga e gli Alpini nell'Alta Valle di Susa
Bataille des Alpes album mémorial d'Henri Béraud édition Heimdal 1987
La seconde guerre mondiale dans les Hautes Alpes et l'Ubaye d'Henri Béraud. Société d'étude des hautes Alpes 1990