Les opérations dans le sous-secteur de JAUSIERS
Le 24 juin, tous les canons de Restefond vont tirer sur tous les passages ennemis repérés.
Par Bertrand Hubert , Hubert Tassel , Philippe Lachal et Jehan Landé
Le sous-secteur au sud de Jausiers, situé sur la ligne de résistance, commandé par le lieutenant-colonel Soyer au PC installé dans le vieux fortin Séré de Rivières de Restefond, était décomposé en trois quartiers : le quartier des Sagnes, celui de Restefond et à l’extrême sud, le quartier Rougna.
La 2e compagnie du 73e bataillon alpin de forteresse avec les 226 hommes aux ordres du capitaine Gilotte occupe l’abri actif du col de Restefond, et le gros ouvrage mixte artillerie et infanterie de Restefond lequel n'a jamais été terminé et une partie des blocs n'a pas été bétonné.
En juin 40 un seul bloc comportait des pièces d'artillerie (le bloc 6) et était opérationnel. Celui-ci possédait 2 obusiers de 75/32 et un obusier de 75/31.
Elle occupe également l’ouvrage d’infanterie des Granges Communes, l’ouvrage d’avant-poste des Fourches ainsi que le point d’appui du col de la Moutière.
Ce sous-secteur de Jausiers bénéficiait de l’appui d’une artillerie assez imposante avec quatre groupements d’appui direct ou d’action d’ensemble
Dès le 16 juin, les Italiens, désirant s’infiltrer par le col du Fer, à la frontière italienne, n’insistent pas après avoir été bombardés vers les maisons forestières de Tortissa. Il en sera de même le 21 juin sur la ligne allant du Pas de la Cavale au lac d’Agnelle.
Le 23 juin, après des tirs d’artillerie italiens sur ce secteur, de nouvelles tentatives d’infiltration au niveau du col de Pourriac sont ralenties par les tirs efficaces du mortier de 75 mm de Restefond réglés par le lieutenant Charles. Le 24 juin, tous les canons de Restefond vont tirer sur tous les passages ennemis repérés. Les Italiens ne passeront pas.
Les opérations dans la zone sud – secteur de Restefond
La zone de Restefond est donc directement visée par la branche sud de cette opération en tenaille. C’est certainement une des zones les plus difficiles pour mener des actions offensives, compte tenu de l’altitude et des conditions climatiques de ce mois de juin 1940. Elle va cependant subir l’attaque du 17e RI de la 33e division « Acqui » par le Pas de l’Enclausette et le col du Quartier d’Août sur les Sagnes, attaque appuyée par une partie du 7e Alpini de la 5e DIA « Pusteria » par le Pas de l’Enchastraye ; le reste de ce 7e Alpini a pour objectif direct le Restefond par les cols de Pouriac et du Pas de la Cavale. Au sud, le 11e Alpini de la même division doit passer par le Pas de Gorgeon Long, le col du Fer et le Pas du Vallonnet.
Dans le secteur Haute Tinée – Restefond, un soutien d’artillerie rapproché fera par ailleurs défaut aux assaillants italiens (le 5e RAM de la division « Pusteria » aura toutes les difficultés à amener ses pièces en position), alors même que les bombardements d’artillerie à longue portée se révéleront relativement inefficaces. En revanche, les tirs de l’artillerie française se montreront particulièrement meurtriers, à courte comme à longue portée.
On peut distinguer, dans cette zone, centrée sur le camp de Restefond et le campement des Fourches trois périodes successives pour les opérations qui se sont déroulées de la déclaration de guerre italienne le 10 juin 1940 à l’armistice le 25 juin :
du 10 juin au 16 juin : attente et observation
du 17 au 21 juin : escarmouches et duels d’artillerie
du 22 au 25 juin : attaques poussées et vives jusqu’à l’heure de l’armistice (0 h 35) avec un véritable feu d’artifice final par l’artillerie française durant les dernières heures.
10 au 16 juin : évacuation et attente
Il faut tout d’abord rappeler qu’en ce printemps 1940 l’enneigement en altitude est encore très important. Ainsi, la route du col de Restefond, coté Jausiers, n’a pu être déneigée le 1er juin que jusqu’à l’ouvrage de Restefond ; les crêtes et les PO des Granges Communes et du col de la Moutière sont recouverts de plusieurs mètres de neige. Dans ces conditions, les 12 pièces de 75 mm de montagne du 1er groupe du 93e RAM s’installent avec beaucoup de difficultés en arrière du col de la Moutière.
Dans le secteur de Restefond, la période d’attente ne sera marquée que par un accrochage, le 16 juin, au col du Fer, où la SES II/299e RIA du lieutenant Lonjaret, violemment prise à partie, doit se replier vers le Pra.
17 au 21 juin : tirs d’artillerie
Le 17 juin, à 15 h 10, les premiers obus sont tirés par la tourelle de Roche-La-Croix. A 18 h 30, un rassemblement ennemi d’environ un bataillon est repéré vers le col du Fer et commence à pénétrer en territoire français. Aussitôt, le groupe fait donner les 75 mm de Restefond vers les maisons forestières de Tortisse et les lacs de Vens. L’ennemi se disperse et se retire pendant la nuit.
Le 21 juin, le lieutenant Costa du 162e RAP à l’observatoire des Fourches repère deux compagnies italiennes qui, étant passées par le col de Pourriac et à l’ouest de Pel Brun cheminent vers le Lauzanier par le Pas de la Cavale. Elles sont ralenties et contenues par des éléments de la SES 73e BAF. Les 75 mm de Restefond interviennent immédiatement avec des tirs de barrage (182 coups) sur une ligne Pas de la Cavale – lac d’Agnel – sommet de Combe Alta. Ils sont accompagnés par des tirs de harcèlement de d’autres batteries. Les Italiens arrivent toutefois à se maintenir au niveau du Pas de la Cavale.
22 au 25 juin : attaques italiennes
22 juin
Au Restefond, pour cette journée, on ne note que l’intervention de la batterie K 36 qui tire 20 coups de ses 155 mm L en direction du col de Larche.
23 juin
C’est le 23 juin, que l’attaque de la branche sud est déclenchée sur le Restefond. Des Fourches subissent des tirs d’artillerie assez mal réglés qui sont aussitôt contrebattus ; des tirs d’interdiction sont aussi effectués sur les débouchés des cols de Pourriac et du Fer. Cependant, le brouillard très épais est mis à profit par les Italiens pour s’infiltrer, par le col de Pourriac et le Pas de Gorgeon Long, dans le Salso Moreno vers les Fourches et, par le Pas de la Cavale, dans le vallon du Lauzanier vers les Sagnes. A 6 h 30, la SES 73e BAF du sous-lieutenant Poitrey est au contact et ouvre le feu. Le barrage de l’artillerie italienne s’allonge mais ne cesse qu’à 8 h 15, après 6 heures de bombardement.
Les Fourches
À ce moment-là, une brève déchirure dans le brouillard permet au Bloc B2 de l’avant-poste des Fourches d’ouvrir le feu brièvement sur quelques Italiens infiltrés dans le ravin du torrent de Pourriac avant que le brouillard ne se referme. À 9 h, une éclaircie subite montre alors que l’ennemi s’est largement infiltré dans le Salso Moreno jusqu’au bas des pentes du col des Fourches et qu’une forte colonne progresse vers le Pas de la Cavale. Tous les blocs de l’avant-poste se mettent à tirer. L’ennemi est aussi pris de flanc par les fusils-mitrailleurs de la SES Poitrey depuis les pentes des Roubines Nègres et ceux d’une section de la compagnie Vitoux depuis les rochers du Castel de la Tour. De plus, le soldat Jean Brun, resté caché dans une cabane du vallon de Salso Moreno sur ordre du lieutenant Delécraz, mitraille l’ennemi à revers. L’artillerie de Restefond intervient également (155 mm L et 65 mm). Les Italiens refluent et se terrent dans les ravines. La SES du 73e BAF reçoit l’ordre de décrocher et passe en réserve aux Fourches. Vers 11 h 30, le bombardement italien reprend pour protéger le repli ; finalement, à 13 h 30, le feu cesse sur le secteur des Fourches. En milieu d’après-midi, vers 16 h, des blessés italiens repérés près des granges de Salso Moreno sont secourus par le médecin-lieutenant Duverne et les hommes du lieutenant Delécraz ramènent du vallon 16 prisonniers (dont deux blessés) et un sous-lieutenant avec le fanion de la 141e compagnie du bataillon « Bolzano » (11e Alpini) qui avait pour mission de prendre d’assaut le « Fort des Fourches ».
Les Sagnes
Vers 17 h, deux compagnies environ du bataillon « Feltre » sont aperçues se dirigeant vers le PA des Sagnes par la Bosse du Lauzanier et le vallon de Pelouse, après être passées par le Pas de la Petite Cavale à la faveur du brouillard et de la neige. Immédiatement fixées par deux groupes de combat de la 2e compagnie du 73e BAF et les mortiers du PA de la cime de Pelousette, elles sont harcelées par l’artillerie de Restefond dont un coup de mortier de 75 mm pulvérise la bergerie du vallon de Pelouse où s’étaient réfugiés quelques Alpini. À la nuit, les Italiens sont arrêtés dans leur élan alors que la pluie et la neige redoublent en tourmente.
24 – 25 juin (0 h 35)
Le 24 juin, à 4 h du matin, les 7e et 11e Alpini reprennent leur action avec mission de foncer sur Jausiers sans aucune autre préoccupation. Mais la météo est exécrable (pluie, neige, brouillard et froid) et rend la progression très difficile et épuisante.
Les Sagnes
Le 7e Alpini renforcé d’éléments de la milice confinaire (GaF) avance sur les Sagnes. Dans la matinée, une colonne du bataillon « Belluno » venant du Lauzanier par le col du Quartier d’Août est engagée par les mitrailleuses du PA des Sagnes, puis stoppée par l’artillerie. À partir de 9 h 30, toute observation devient impossible.
La situation finale, le jour de l’armistice
Après avoir tiré un véritable bouquet final à partir de 20 h 30, car les artilleurs ont tenu à vider avec entrain leurs caissons, le canon se tait sur les Alpes à 0 h 35. Le sous-secteur Jausiers n’a subi aucune perte et aucun ouvrage n’a cédé.
Restefond.
À Restefond, c’est la 2e compagnie et les équipages d’ouvrages qui ont pris possession des lieux. Cet ensemble était composé du Poste d'observation ou abri actif du faux col de Restefond à trois blocs, de l’ouvrage mixte artillerie et infanterie à cinq blocs de Restefond dont deux servaient deux pièces de casemate de 75 mm modèle 31 (75 mm/31).
Cet ouvrage était assez important car on y dénombrait la présence de 226 hommes sous les ordres du capitaine Gilotte.
Devant lui, à sa gauche, il flanquait l’ouvrage d’infanterie des Granges Communes commandé par le lieutenant Boileau avec un effectif de 32 combattants.
Plus loin, vers l’est, au-delà du vieux camp des Fourches et dominant la cuvette du Salso Moreno, l’ouvrage des Fourches de la ligne des AP, à six blocs dont deux dotés de mitrailleuses, dirigé par le lieutenant Costa avait un rôle important. Il était accompagné du PA du vieux fortin de Pelousette où se tenait une petite garnison d’un groupe armé de FM 24/29 et de mortiers de 60 mm.
Enfin plus au sud, se tenait l’avant-poste du Pra à 5 blocs dont deux comportant des casemates pour mitrailleuses du lieutenant Josserand
Rougna.
Enfin, le quartier Rougna était tenu par le 2e bataillon du 299e régiment d'infanterie alpine (RIA) sous les ordres du commandant Chamousy et son PC était au col de Colombart. Le dispositif était composé de l’AP de Saint-Dalmas-le-Selvage, le PA du Lauzarouotte et le PA de Las Planas.
Sur la ligne de résistance, l’ouvrage de la Moutière à 5 blocs complétait l’ensemble.
Il était commandé par le lieutenant Taxil et celui du Pra. Ce sous-secteur de Jausiers bénéficiait de l’appui de l’artillerie assez imposante avec quatre groupements d’appui direct ou d’action d’ensemble :
- Groupement B1 avec les 2 pièces de casemate de 95 mm modèle 1888 de la Batterie de Cuguret, adapté au quartier des Sagnes (lieutenant Ravet du 162e régiment d'artillerie de position (RAP)).
- Groupement B2 (capitaine Martin du 162e RAP) avec 5 pièces (2 de 75 mm/32 et 1 de 75 mm/31 de l’ouvrage de Restefond et 2 de 65 mm de montagne (65 M) au faux col de Restefond), adapté au quartier Restefond.
- Groupement B3 (chef d’escadron de Laffon du 93e régiment d'artillerie de montagne (RAM) avec 16 pièces (2 de 65 M au faux col de Restefond, 2 de 75 mm au col de la Moutière, 12 de 75 mm de montagne à Mauvaise Côte et à la Bergerie au sud de Restefond), adapté au quartier Rougna.
- Groupement B4 d’action d’ensemble (chef d’escadron Perroy du 162e RAP) avec 8 pièces (4 de 155 mm L au Casernement de Restefond et 4 de 155 mm C au col de Restefond).
L’importance de la neige a rendu l’occupation des ouvrages assez pénible et terminée juste à temps le 11 juin.
- 16 juin : des Transalpins désirant s’infiltrer n’insistent pas après avoir reçu des obus vers les maisons forestières de Tortissa.
- Ce n’est que le 21 juin, que deux compagnies italiennes sont bloquées sur une ligne Pas de la Cavale et lac d’Agnelle.
- Le 23 juin, tirs d’artillerie italiens sur les Fourches.
Nouvelles tentatives d’infiltration u niveau du col de Pourriac y compris au niveau du col des quartiers d’août où le mortier de casemate de 75 mm de Restefond réglé par le lieutenant Charles intervient. - Idem le lendemain où dans la nuit, tous les canons du groupement B 3 de Restefond tirent sur tous les passages ennemis repérés et même en Italie avec des coups du 155 mm L sur les lacets de la descente du col de Larche et sur le village de Bersezio.