Armée des alpes Juin 1940
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Code lieu: 031

L’artillerie au sommet Bucher

Depuis toujours, le sommet Bucher est reconnu comme contrôlant le Queyras. Son nom serait lié, au Moyen-âge, à l’installation de feux destinés à alerter les villages d’une menace.

Par GDI (2S) Hervé Bizeul, Patrick Lemaitre et Nicolas Izquierdo

Code lieu: 31
Accès En voiture 30' de Ville Vieille, à pied 2h00

L'artillerie au sommet_Bucher

Depuis toujours, le sommet Bucher est reconnu comme contrôlant le Queyras.
Son nom serait lié, au Moyen-âge, à l’installation de feux destinés à alerter les villages d’une menace.
En 1892, le Général Baron-Berge, commandant la région militaire de Lyon, fait aménager une route carrossable.
Elle permet d’accéder au sommet afin d’y installer des troupes et des pièces d’artillerie.
En 1940, il sera un des pivots de la défense, commandant à la fois la descente de la vallée du Guil et de l’Aigue Blanche.
Sur la rive opposée du Guil, d’autres installations, dans le secteur Meyriès – col de Péas verrouillent la vallée.

Sur le sommet Bucher, sont stationnées plus de 400 hommes :  3 compagnies d’Infanterie (deux du 92° Bataillon Alpin de Forteresse et une du 87° Bataillon de Chasseurs Alpins) ; et 16 pièces d’artillerie, dont 6 à longue portée (93° Régiment d’Artillerie de Montagne et 162° Régiment d’Artillerie de Position).

Depuis le sommet, de très nombreux vestiges sont encore visibles. Lors des combats du 20 au 24 juin, les 6 pièces à longue portée tireront environ 3 500 coups à plus de 10 kilomètres, en direction des cols frontières du haut Guil et d’Abriès.

La qualité de l’artillerie est une clef de la victoire française de 1940.

un canon de 105 Schneider modèle 36

Les mannequins sur la photo portent les tenues des RAP autour d'un canon de 105 Schneider modèle 36, proches du type de ceux déployés au Sommet Bucher. (musée de Fermont).

L'artillerie dans le Queyras

La bataille des Alpes fut gagnée grâce à une solide organisation défensive surnommée la ligne Maginot des Alpes, par les montagnards des bataillons alpins de forteresse, des bataillons de chasseurs alpins et des sections d' éclaireurs skieurs, mais rien n'aurait été possible sans le talent des artilleurs de montagne de l'artillerie de campagne et de forteresse.

Le sommet Bucher est avant tout une position d'artillerie. Elle permet de souligner l'action déterminante de nos artilleurs. Dans le Queyras comme ailleurs, ils ont été les grands artisans de la victoire française. Une batterie de 105 Long y est installée ainsi que deux 155 mm.

Dans le Queyras, l'artillerie dispose de 34 pièces :

– 12 canons de 75 mm de montagne

– 8 canons de 95 mm

– 2 canons de 155 mm long de Bange (au sommet Bucher)

– 8 canons de 105 mm long (probablement des modèles 1917 d'une portée de 12 km dont 4 étaient au sommet Bucher).

– 4 canons de 65 mm de montagne.

Le commandant de l'artillerie (chef d'escadron Moureton du 93° RAM) a poussé quelques pièces vers l'avant pour  intervenir directement au profit des avant- postes. Ce détachement   se compose d'une section de deux pièces de 65 de montagne et d'une section de deux canons de 75mm placées au torrent de Malrif, 2km à l'ouest d'Abriès. Tout le reste de l'artillerie se trouve en arrière de la position de résistance à plus de 12 km d'Abriès (III 93°RAM[1] et III/162° RAP).Le 162° RAP était un régiment d'artillerie de position spécialisé dans la  défense des fortifications de la ligne Maginot. Ce type de régiment fournissait les servants des pièces des gros ouvrages mais également les batteries d'intervalles entre ceux-ci.

Les 6 pièces de longue portée (4 canons de 105 Long et 2 canons de 155 Long) placées au sommet Bucher ont réussi à  appuyer les fantassins d'Abriès lors de l'attaque italienne en étant en extrême limite de portée.

[1] Le 93° Régiment d'Artillerie de Montagne existe toujours. C'est le régiment d'artillerie de la 27° Brigade d'Infanterie de Montagne.

carte artillerie Queyras

Le 21 juin les deux sections d'artillerie avancées de 65mm (canon de montagne) et de 75mm (canons de campagne) sont sur le point d'être prises à revers par la 30° compagnie du Fenestrelle qui a réussi à déborder Abriès par le nord.

Heureusement la SES du 107° BCA repliée de Le Roux en fin de mâtinée accueille vigoureusement l'ennemi au Tirail au dessus du village. Vers 16h00, les deux sections  d'artillerie reçoivent l'ordre de se replier vers Château Queyras.

Mais le Point d'appui nord est sur le point d'être submergé. A 16h45, le lieutenant Duisit commandant le PA nord demande que l'artillerie tire sur sa position. La mission inhabituelle est prise en compte par les 105mm du Sommet Bucher.

L'artillerie du sommet Bucher tire alors sur les environs de P5 (le blockhaus le plus au nord d'Abriès), le Villard et les débouchés du bois de Génébrier. Les tirs sont réglés par l'aspirant Gueury commandant le PA sud qui complète également l'action de l'artillerie par des tirs de flanquement depuis ses propres positions. C'est une vraie coopération interarmes qui s'effectue alors à Abriès entre fantassins et artilleurs. Le PA est sauvé. les Italiens se replient avec leurs blessés et leurs morts.

Le lendemain le 22 juin, les Italiens réitèrent leur attaque et s'infiltrent encore par le bois de Génébrier. L'artillerie intervient de nouveau. Ce sont 600 coups de 105 long  et de 155 (canons de Bange) qui s'abattent sur le bois. C'est un enfer pour les fantassins italiens à découvert.

Au sud, ils s'avancent jusqu'au point 1545 où là aussi ils sont arrêtés par la combinaison des tirs d'infanterie provenant du PA et ceux de l'artillerie qui à ce point est en limite extrême de portée.

Le 23 juin épuisés par les combats, les bataillons du 3° régiment d'Alpini ne reprendront pas ses attaques.

Le 24 juin vers 06h30 le PA d'Abriès repère une soixantaine d'alpini du Val Guisone se dirigeant vers de Pantarel vers le bois du torrent de la Garcine. Immédiatement pris sous le feu de l'artillerie ils se couchent sur place. Vers 08h00, ils reprennent leur progression avec précaution mais le tir précis des pièces les disperse aussitôt.

C'est la fin des combats car l'armistice sera signée dans la soirée. Les Italiens en profitent pour relever leurs morts et leurs blessés. Les conditions d'évacuations sont très difficiles car il neige. Il faut 8 porteurs par brancard et 07 heures de marche pour les remonter jusqu'au Ciabot del Pra le premier poste de secours italien.

Témoignage du chef d'escadron Moureton sur l'action de l'artillerie dans le Queyras

« Ainsi se termine cette action d'artillerie du Queyras, trop tôt au gré de tous, Officiers, Gradés et Canonniers dont le moral est resté très élevé malgré le caractère tragique et pénible des heures que nous traversons.

Quelques batteries ou sections du 162e RAP, déployées en vue de la défense de la position de résistance même, n'ont pas eu à intervenir. Elles avaient toutefois fait leur préparation expérimentale.

A côté de l'excellente observation faits par le lieutenant Masson, dans les lignes d'infanterie et des tirs dirigés par les lieutenants Fraysse, Desportes, Fabre, Seranne et Jaspard, il y a à signaler l'habile direction des tirs par le Commandant Ferrand, qui a su obtenir le rendement maximum de son artillerie dans le sous secteur Haut Guil, qu'ils connaissaient parfaitement.

Le nombre de coups tirés est de l'ordre de 5000… ».

 

 

Tourelle STG 605 au sommet Bucher

Source Wikimaginot