Armée des alpes Juin 1940
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Code lieu: 368

Queyras

Dans le Queyras, l’intention des italiens était de s’emparer de Château Ville Vieille.

Par GDI (2S) Hervé Bizeul, Patrick Lemaitre et Nicolas Izquierdo

Code lieu: 368
Accès Office du tourisme de Chateau Queyras
En voiture 30' de Montdauphin, 60' de Briançon

Dispositif général entre Château Queyras et Abriès

Organisation de la défense dans le Queyras.

 

Dans le Queyras, l’intention de l’adversaire italien est de franchir les cols frontières du haut Guil, de descendre la vallée puis d'attaquer Briançon, très défendu au Montgenèvre, en passant par le col de Péas et celui de l’Izoard. La conquête de Guillestre était un objectif secondaire, les gorges du Guil étant jugées trop difficiles à franchir. 12 000 soldats italiens, dont le noyau est l’élite du 3e Régiment d’Alpini de Pinerolo, se préparent à attaquer en ce début d'été 1940.

Pour contrer cette menace, le dispositif français compte à peine 5 000 hommes. Il comprend la 45e demi-brigade de chasseurs alpins et la 75e demi-brigade alpine de forteresse. Il est organisé en deux échelons :

 

Queyras

Dispositif général entre Château Queyras et Abriès

La position dite de résistance.

 

C’est la ligne à ne pas franchir. Elle est centrée sur Château-Queyras (environ 450 hommes du 87e BCA dont le poste de commandement est situé dans les bâtiments ouest du fort) et elle s’appuie sur 2 piliers : au sud, le sommet Bucher avec 3 compagnies d’infanterie et de nombreuses pièces d’artillerie; au nord, vers Meyriès et le col de Péas avec 1 compagnie renforcée. Le Queyras dispose de 34 pièces d’artillerie dont notamment 04 canons 105 mm long modèle 1913 Schneider d'une portée de 12 kilomètres et deux canons de 155mm de type de Bange sensiblement de même portée sont déployés sur le Mont Bucher, accompagnés d'une douzaine de 75 mm.
Vers l'avant 4 pièces sont placées juste en arrière d'Abriès (2 canons de 75mm et 2 canons de 65 mm).
Leur rôle dans la victoire sera déterminant.
En arrière en direction de Guillestre le dispositif était complété par le 92e bataillon alpin de forteresse (BAF).

Carte 1940 dispositif fortifie Chateau-Queyras

Dispositif défensif de position de résistance autour de Château Queyras annoté à la main par un officier en juin 1940. Max Schiavon

La position d’avant-poste.

 

La position d’avant-poste. Elle est destinée à prévenir d’une attaque et à la ralentir.  Elle est placée autour d’Abriès, isolée, 10 kilomètres en amont de la position de résistance. Elle comprend : le point fort d’Abriès :  2 sections du 87e BCA sur des positions aménagées à Abriès de part et d'autre du Guil s'appuyant sur six blockhaus d'infanterie, trois de chaque côté de la rivière et 3 sections d’ éclaireurs skieurs (SES) du 87e BCA (Valpreveyre), du 92e BAF (La Monta) et du 107e BCA (Le Roux d’Abriès). Du 20 au 24 juin 1940, c’est dans ce secteur qu’auront lieu les combats.

L’état-major du secteur, dirigé par les lieutenants-colonels MARTIN et BONNET, est stationné à Villargaudin.

Mussolini déclare la guerre à la France le 10 juin 1940. Dès le lendemain, la population des villages en amont d’Aiguilles, est évacuée. Plus de 1 000 personnes sont dirigées principalement en Ardèche. L’offensive durera du 20 au 24 juin 1940. Les conditions météorologiques sont mauvaises. L’hiver a été rude et les cols restent très enneigés. La plupart du temps, il pleut en vallée et neige en altitude. Les pentes sont accrochées de nuages.

Sous le fort, sur le sentier descendant du fort versant ouest, de petits ouvrages bétonnés dont un est inachevé sont bien visibles.

 

Dispositif fortifié de Chateau-Queyras

Le Général OLRY, commandant l’Armée des Alpes écrira sur une dédicace au MCh WOERHLE : « à l’auteur du plus haut fait d’arme de cette bataille».

Général OLRY, commandant l’Armée des Alpes

La bataille des Alpes dans le secteur du Queyras
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ar le Médecin-Chef Pierre Chouvet

 

Le dispositif

 

Du fait de sa géographie très cloisonnée, de l’altitude et de l’absence de voie carrossable de ses cols (cinq cols au-dessus de 2500m), le secteur du Queyras répond parfaitement à l’adage « les Alpes se défendent elles-mêmes ».

Perdre ce secteur secondaire permettrait de contourner BRIANÇON.  Le Colonel BONNET commande ce secteur. La défense du sous-secteur GUIL est assurée par environ 3 000 hommes de la 45ème demi-Brigade de chasseurs Alpins du LCL MARTIN, comprenant les 87ème et 107ème BCA, bataillons dérivés du 7eBCA et le 92ème Bataillon Alpin de Forteresse. Les appuis sont assurés par 34 pièces d’artillerie dont les plus modernes sont les 75mm de Montagne du 3e groupe du 93ème RAM.

Estimant que la ligne de défense située à 20 km de la frontière est trop éloignée, le COL BONNET décide, mi-mai, d’avancer les Sections d’Eclaireurs Skieurs (SES) et de constituer en un point fort (PF) le village d’ABRIES, articulé en 2 points d’appui(PA). A la déclaration de guerre, les aménagements des postes de combat sont inachevés. Avec 2 sections du 87ème BCA, le lieutenant COMBAZ dirige le secteur. Sa mission est de retarder l’ennemi, si possible pendant 48 heures. Ce sont ces 300 hommes aux avant-postes qui vont devoir faire face.

Côté italien, 12 500 hommes sont à pied d’œuvre, 5 000 attaqueront. Le 3èmeAlpini de PINEROLO a la responsabilité de l’attaque et fournit la majorité des combattants. Ce sont des troupes solides et rustiques, assez bien équipées. Le chef de corps du 3èmeAlpini, le COL FALDELLA écrira « nous pensions que la déclaration de guerre n’était qu’un acte politique et que nous ne serions pas obligés de nous battre ».

 

Les combats

 

La guerre est déclarée le 10 juin. Les premiers jours sont émaillés de quelques escarmouches.

Cependant, le 20 juin, MUSSOLINI donne l’ordre d’attaque générale. La planification est précipitée, les conditions sont déplorables : les cols sont très enneigés, il neige en altitude.

Le 21 juin, l’attaque se renforce. Dans la matinée, comme convenu dans la planification, après avoir retardé l’ennemi, les 3 SES reçoivent l’ordre de se replier et de renforcer ABRIES. En début d’après-midi, le PA nord (Lieutenant DUISIT) reçoit le choc.

En ordre de combat, les Alpini viennent de passer un col à 2650 mètres sous la neige, d’essuyer des combats ; reprenant l’offensive, ils pénètrent à l’intérieur de la position du point d’appui dont la construction est inachevée. Sept chasseurs sont faits prisonniers. Dans l’urgence mais heureusement sans perte, quatre pièces d’artillerie de Montagne avancées dans le secteur sont évacuées sous le feu de l’infanterie italienne. Depuis le PA sud, les chasseurs sont obligés de sortir de leurs positions pour appuyer leurs camarades. En fin d’après-midi, la situation est critique.  Le LNT DUISIT transmet : « situation désespérée ; sommes encerclés ». Il lui reste 6 hommes et un fusil-mitrailleur mis en œuvre dans le seul petit ouvrage bétonné. Il demande des tirs d’artillerie sur sa position. C’est la stupéfaction, il lui est demandé confirmation.

Vers 19 heures, la situation empire encore. Le LTN DUSUIT transmets : « ai des tués ; suis encerclé ; la défense est faîte en carré » : c’est Sidi-Brahim ! Pourtant, les Colonel MARTIN et BONNET demandent de tenir. Accablés par les tirs, la fatigue et les pertes, les Alpini finissent par céder et se replient. En début de nuit, les positions sont réoccupées par les chasseurs. Les pertes françaises sont de 4 tués, 7 blessés, 10 prisonniers. 1 tué et 2 blessés l’ont été par des tirs de l’artillerie amie, c’était un risque accepté.

Le lendemain, jour de l’armistice franco-allemand, les Alpini passant par le col LACROIX occupent les villages détruits du haut-Guil et se rapprochent dangereusement des lisières Est d’ABRIES.

Le 23 juin vers 9h00, le jeune Lieutenant GUERY, chef du PA sud, convainc le Maréchal des Logis Chef WOERHLE, chef de la brigade de gendarmerie du village d’Abriès, de l’accompagner pour une reconnaissance sur la rive opposée du GUIL. La veille, il a été gêné par des tirs provenant du bois de la Garcine. Le MCh WOERHLE a refusé de quitter la zone après avoir dirigé l’évacuation de la population. Montagnard aguerri, auteur de difficiles premières d’alpinisme dans le massif du Mont Viso, il a mis à profit sa parfaite connaissance du secteur en accompagnant de nombreuses reconnaissances et a participé à plusieurs combats.

Chefs en tête suivi de 4 chasseurs, le groupe s’élance sous la pluie averse. Rapidement, WOERHLE et GUERY tombent sur un groupe d’alpini enroulés dans leurs pèlerines. Le chef Woerhle avec les quatre chasseurs mystifie le groupe italien qui se rend ; Bien que tout seul, le lieutenant Guerya surpris et fait prisonnier un groupe important d’Italiens.

Le bilan est édifiant : 52 prisonniers dont 1 capitaine, 2 lieutenants, 3 sous-officiers ; 3 mortiers de 45mm, 1 mitrailleuse, plusieurs FM. Le Général OLRY, commandant l’Armée des Alpes écrira sur une dédicace au MCh WOERHLE : « à l’auteur du plus haut fait d’arme de cette bataille».

Dès le lendemain, c’est l’armistice ; une rencontre entre officiers supérieurs a lieu. Les relations sont d’emblée cordiales. Les Italiens peuvent venir récupérer leurs morts, ils proposent de l’aide pour la reconstruction. Le Commandant BALLATORE du 3èmeAlpini dira à un de ses capitaines« Malédiction à la politique qui a fait des Français nos ennemis ».

Dans le secteur, 300 soldats de montagne français ont contenu 5 000 Alpini. C’est une nouvelle fois la preuve qu’en Montagne, une troupe déterminée, astucieuse et maitrisant le terrain, peut faire barrage à une unité bien plus puissante. Par ses tirs observés et parfaitement réglés, l’artillerie a eu un rôle déterminant. Plus de 5000 coups seront tirés en 5 jours, une quinzaine de pièces tireront.

Je dédie cet article à mon oncle Alphonse, qui, mobilisé dans le QUEYRAS au 102ème BAF en 1940, fut un soldat de montagne.

Sincères remerciements à la municipalité de Château Ville Vieille et aux associations locales pour leur soutien!

Chateau Ville Vieille

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