Armée des alpes Juin 1940
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Code lieu: 954

L’offensive italienne dans le sous- secteur de Sainte-Foy

C’est un combat retardateur à 20 contre 1 que vont mener les éclaireurs du 70e BAF

Par GDI (2S) Patrick Moussu , Col (er) Dominique BESSE et LCL (H) Benoît DLEUZE

Code lieu: 954
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L’offensive italienne dans le secteur de Sainte-Foy-Tarentaise

Pendant les combats du 21 au 24 juin 1940, le village de Sainte-Foy-Tarentaise est au centre du dispositif défensif du
70e bataillon alpin de forteresse (BAF) qui doit faire face à pas moins de 5 bataillons d’Alpini débouchant des cols du Mont et de la Lex Blanche.

La position de résistance (PR), située à Villaroger, est armée par la 3e compagnie du 1er bataillondu 215e régiment d’infanterie appuyée par une batterie de canons de 65mm du 164e régiment d’artillerie de position (2 canons de 65mm à Villaroger, 2 canons de 65mm au Crôt).

Les avant-postes (aux hameaux du Miroir, duCrôt et de la Motte) sont tenus par la 3ecompagnie mixte du 70e BAF (capitaine Conrad)qui déploie sa SES (lieutenant Courbe-Michollet)sous les débouchés des cols.

C’est un combat retardateur à 20 contre 1 que vont mener les éclaireurs-skieurs du 70e BAF permettant ainsi aux avant-postes de se replier sur la rive gauche de l'Isère, interdisant avec l'aide de l'artillerie toute progression des forces italiennes en direction de Séez.

C'est dans ces circonstances que les jeunes chefs des sections d’éclaireurs-skieurstels que le lieutenant Tom Morel (SES 27e BCA) ou le sergent Paganon (SES 70e BAF) vont s’illustrer, forçant même le respectde l’ennemi. Plus tard dans la guerre, ils poursuivront la lutte dans la Résistance au sein des maquis respectivement des Glières et de Beaufortain.

Les combats dans le sous-secteur de Sainte-Foy-Tarentaise :

 

La mission assignée au Corpo d’Armata Alpino étant de déboucher dans la vallée de l’Isère au-delà de Bourg-Saint-Maurice et de marcher sur Beaufort, le général Testa a formé trois colonnes avec l’idée de manœuvre suivante :

  • Une colonne centrale (division alpine « Taurinense» de Turin), à cheval sur la route nationale 90 qui descend du col du Petit-Saint-Bernard, a pour objectif principal : Bourg-Saint-Maurice et pour objectif ultérieur : Moutiers. La division motorisée « Trieste » de Piacenza, placée en deuxième vague, est prête à exploiter la percée.
  • Une colonne à droite (division alpine « Tridentina» de Merano) doit attaquer les cols du Bonhomme et du Cormet de Roselend avec pour objectif ultérieur : Beaufort.
  • Une colonne à gauche (4e Groupement Alpini) est chargé de constituer un flanc défensif contre une action française descendant du col de l’Iseran et de concourir à l’action de la colonne centrale sur Bourg-Saint-Maurice, en avançant dans la direction : col du Mont – les Thuiles.

 

21 juin :

La colonne de gauche (4egroupement alpin « Valle », chargé de concourir à l’action de la colonne centrale, a franchi le col du Mont (2697m) avec le bataillon « Cordevole ». Les éclaireurs skieurs Juglaret et Socquet, détachés en avant du groupe Paganon (SES du 70e BAF) sur une barre rocheuse, située en bas du lac des Gouilles, sont bientôt attaqués par une compagnie d’Alpini qui progresse du passage de Roucoula vers les Mottes. Les éclaireurs font face, mais à bout de munitions, ils sont capturés.

Toujours protégés par le brouillard, les alpini rejoignent rapidement le fond de la vallée, défendue par la 3e compagnie mixte du capitaine Conrad (70e BAF). Mais de sa compagnie, il ne lui reste plus que la section de commandement et un groupe de mitrailleuses installé au Crôt, une section de fantassins voltigeurs aux Côtes en avant du Crôt et la SES du bataillon. Une de ses sections est à la Redoute Ruinée (à 6 kilomètres à vol d’oiseau), l’autre est en réserve au quartier de Courbaton (9 kilomètres à vol d’oiseau).

Surpris à découvert, les alpini sont pris à parti par les F.M. de la SES du 70e BAF (sous-lieutenant Courbe-Michollet) et l’artillerie. La SES mène ensuite un combat retardateur qui oblige les alpini, appuyés par des mortiers de 81mm, à monter plusieurs fois une manœuvre pour déborder la résistance. Les éclaireurs ne décrochent parfois qu’in extremis, alors que les arditi sont déjà arrivés à distance d’assaut. Vers 16 heures, les alpini finissent par atteindre le hameau de la Motte. Le groupe Paganon, à court de munitions, rejoint la SES dans le fond de la vallée (à la Sussa) avec un blessé léger.

Le capitaine Conrad, commandant aussi le sous-quartier de Villaroger, apprend alors que l’ennemi a atteint le Miroir, à 6 kilomètres derrière ses positions. En effet, le bataillon alpini « Val d’Orco », suivi du « Val Vestone » est passé par le col de la Lex Blanche (2620m). A partir du col du Retour, il a été jalonné par le poste de surveillance français, puis les alpini sont parvenus jusqu’au hameau du Château d’où ils ont envoyé des patrouilles en direction du Miroir.

Analysant la situation et la maigreur de ses effectifs d’avant-postes (une SES, une section F.V. et un groupe de mitrailleuses) opposés à un ennemi très supérieur en nombre (trois bataillons d’alpini en face en face et deux dans le dos), le capitaine Conrad décide de se replier sur Villaroger où il arrive au cours de la nuit avec sa section de commandement et la SES. La section F.V. de l’adjudant-chef Bonan qui a freiné l’avance des alpini pendant six heures est restée imbriquée dans les lignes ennemies. Débordée vers 20 heures, elle réussit quand même à décrocher, grâce à la parfaite connaissance du terrain de son chef. La section, alourdie par le portage d’un alpin accidenté (fracture de la jambe) finira quand même par arriver au village de Sainte-Foy, dans la journée du lendemain.

 

22 juin :

Devant la colonne de gauche italienne, la section de l’adjudant-chef Bonan (3/70e BAF) a fini par arriver au village de Sainte-Foy. Mais il faut traverser l’Isère pour atteindre la Position de Résistance (P.R.) et tous les ponts sont détruits. D’autres isolés sont dans le même cas, comme le sergent-chef Boch et l’éclaireur Chappuis de la SES ; faits prisonniers la veille, ils ramènent leurs deux gardiens penauds qu’ils ont réussi à désarmer.

Comme tous ces alpins risquent d’être pris pour des italiens, l’un des gradés a la bonne idée d’entrer à l’école où il décroche un tableau noir sur lequel il écrit en gros caractères : « sommes français, ne tirez pas, venez nous délivrer ». Le tableau placé en face du Poste Avancé (P.A.) de Villaroger est bientôt repéré par les jumelles d’un lieutenant du 6e B.C.M. qui fait alors jeter une échelle sur l’Isère pour assurer le passage des alpins.

Vers Montvalezan, ce sont les éclaireurs Juglaret et Socquet (SES 70e BAF) qui rejoignent la P.R. ramenant eux aussi leurs deux gardes déconfits. Pris la veille près du lac des Gouilles, ils avaient été dirigés sur le Plan du Pré après avoir subi un premier interrogatoire. Tard dans la soirée, profitant d’un tir d’artillerie amie, ils avaient désarmé leurs gardiens. Enfants du pays, ils avaient marché la nuit, sans problème d’orientation…

La colonne de gauche italienne n’ayant donc plus personne devant elle avance prudemment en direction de l’Isère, harcelée par les tirs de l’artillerie française. Le bataillon « ValCordevole » atteint les hauteurs dominant Sainte-Foy et le Villard . L’avance lui a couté 3 tués, 15 blessés et 6 disparus.

Au Crôt, largement dépassé par le « ValCordevole », la 275e compagnie du « Val Piave » capture « un centre de résistance resté actif ». Ce sont les servants de la mitrailleuse qui n’ont pu être avertis de l’ordre de repli de la veille, car l’agent de transmission, chargé de les prévenir, a été fait prisonnier.

 

Dans la soirée, en raison de la forte pression sur le Saint-Bernard, le colonel Michet de la Baume, commandant le S.F.S., ordonne pour la nuit :

  • Le repli général des avant-postes du Beaufortin et de Tarentaise derrière la Position de Résistance (P.R.). Seuls les postes de Séloge, de la Redoute Ruinée et le P.A. de Villaroger restent sur place.
  • Le repli des avant-postes du quartier Palet-Vanoise sur la ligne Tignes-Val-d’Isère-col de l’Iseran.

 

23 juin :

Le général Guzzoni ordonne de constituer un front défensif contre le col de l’Iseran, à hauteur de Sainte-Foy, et « d’attaquer avec le gros de ses forces de part et d’autre de l’Isère pour prendre de flanc et à revers la place de Bourg-Saint-Maurice.

Le colonel Frati (4e Groupe « Valle »), qui marche avec le bataillon « Ivrea » lance la 40e compagnie à l’attaque du village de Sainte-Foy, entrainant une intense et longue réaction des positions françaises enterrées et bétonnées, situées de l’autre coté de l’Isère. Le village, abandonné depuis l’avant-veille, est incendié par l’artillerie française. Le profond ravin boisé, au fond duquel coule l’Isère, sépare désormais les deux adversaires. Le petit ouvrage d’infanterie de Villaroger participe maintenant au combat avec ses faibles moyens, car il est inachevé. Seuls les puits et les galeries sont terminés, ainsi qu’un bloc mitrailleuses et un bloc F.M.

 

24 juin :

La presse locale du matin titre « les heures douloureuses de la Patrie. Nos plénipotentiaires arrivés hier après-midi en avion à Rome, ont rencontré les délégués italiens ».

Après avoir formulé un certain nombre de modifications de détail, le gouvernement envoie son acceptation de principe à la délégation française de Rome.

Tandis que de l’Atlantique au Massif-Central, la journée sera calme sur l’ensemble du front, car le contact entre les adversaires est devenu très lâche, du Rhône à la frontière franco-italienne les combats continuent.

A 1 heure du matin, le général Guzzoni a ordonné à son Corps d’Armée d’intensifier l’attaque contre Bourg-Saint-Maurice et de conduire avec le « maximum d’énergie l’action de la colonne qui agit sur le flanc gauche de la vallée de l’Isère ».

 

Les tirs de harcèlement de l’artillerie française sont nombreux et le commandement italien reconnait qu’ils gênent considérablement ravitaillements et mouvements d’unités, mais causent peu de pertes humaines. Il se plaint également du manque d’artillerie de calibre moyen pour neutraliser les défenses françaises, ce qui a empêché ses unités, en cette quatrième journée de bataille, « d’obtenir des résultats appréciables ».