les combats du Chenaillet et des cols dominant Cervières
Installé sur un piton rocheux, culminant à 2634 m, l’avant-poste du Chenaillet n’est tenu que par une petite section de deux groupes de combat de la 3° compagnie du 72e BAF, commandée par l’adjudant chef Béraud.
Par GDI(2S) Hervé Bizeul, Patrick Lemaitre, Nicolas Izquierdo
combats du Chenaillet
Poteau poste du Chenaillet
Ces combats sont à cheval sur les deux sous-secteurs de Montgenèvre et de Cervières.
Les Italiens attaquent depuis Montgenèvre-Clavière.
Mais les unités françaises déployées sur le Chenaillet et surveillant les crêtes et les cols dominant la vallée des Fonts dépendent du 72° BAF déployé côté Cervières.
Le poste était tenu par une vingtaine d'alpins de la 3e compagnie du 72e BAF (Bataillon d'Alpins de Forteresse).
Tandis que les unités de la division Sforzesca attaquent Montgenèvre avec le IIe bataillon du 53e régiment d'infanterie (II/53e Fanteria) le 21 juin 1940, les unités du IIe bataillon du 30e régiment d'infanterie de la division Assietta s’emparent dès le 17 et 18 juin des sommets qui dominent à l'est le Chenaillet (Grand Charvia et Cime Saurel). Le poste est bombardé dès le 18 juin puis en continu jusqu'au 23 juin.
Le 23 juin profitant du brouillard, deux compagnies italiennes grimpent dans les rochers du Chenaillet et donnent l'assaut.
Les 19 alpins du poste du Chenaillet, hébétés par 5 jours de bombardement, sont submergés et fait prisonniers. Leurs blessés sont transportés vers l'arrière et soignés à Pignerol. La chute du Chenaillet permet aux unités de deuxième échelon de la division Assietta (III/30e et I/29e Fanteria) de poursuivre leur attaque vers la vallée des Fonts et d'atteindre le lac Noir et les Fraches. Elles seront arrêtées par les tirs d'artillerie et les unités du 72e BAF déployées dans la vallée.
La saisie du point d'appui du Chenaillet était primordiale pour la poursuite de l'attaque des Italiens vers la vallée des Fonts et Cervières.
Poste du Chenaillet
Combats du chenaillet
Installé sur un piton rocheux, culminant à 2634 m, l’avant-poste du Chenaillet n’est tenu que par une petite section de deux groupes de combat de la 3° compagnie du 72e BAF, commandée par l’adjudant chef Béraud. Dix neufs alpins sont répartis dans des emplacements de pierres sèches, isolés, protégés par un maigre réseau de tranchées. Au centre du dispositif, un abri sous roc et une galerie de quelques dizaines de mètres tapissée de plaques de béton et donnant sur quatre issues protège les soldats. Des emplacements pour armes collectives sont creusés dans le roc, d’autres sont prévus derrières des murets de pierres sèches. Le réseau de barbelés est assez dense mais tout le système de protection n’est hélas pas totalement terminé au moment du déclenchement des combats en juin 1940.
Le 17 juin
Les Italiens occupent le sommet frontière du grand Charvia et s’y organisent, un groupe de la SES (section d’ éclaireurs skieurs) du 2° bataillon du 159e RIA (SES II/159) s’est installé sur le petit Charvia, sommet de même altitude située à 200 m à l’ouest en territoire français. À la tombée de la nuit un groupe de mortiers et des munitions sont transportés au Chenaillet.
18 juin
L’ennemi devient de plus en plus entreprenant. Il occupe maintenant la Cime Saurel, 1 kilomètre à l’Est du Chenaillet. Notre artillerie le prend à partie avec un tir de 50 coups complétés par les tirs des deux mortiers de 81 mm transportés la veille au Chenaillet. Ne pouvant tenir, les Italiens abandonnent les lieux et leurs organisations récentes sont démolies. Leur riposte ne se fait cependant pas attendre. Pendant deux heures, de 15h30 à 17h30 environ, il bombarde le Chenaillet et les Gondrans avec des pièces de tous calibres (environ 250 à 300 coups).
19 juin
Après une nuit relativement calme, un épais brouillard empêche toute visibilité, des tirs d’artillerie sont exécutés sur des détachements italiens aperçus à la frontière à la faveur de rares éclaircies. L’artillerie ennemie, par intermittence, tire elle aussi pendant toute la journée sur le Chenaillet, les Gondrans et l’ouvrage des Aittes. N23 juin
20 juin
De très bonne heure, l’artillerie ennemie de gros calibre (150, 220) reprend son tir sur les gros ouvrages et le Chenaillet, détruisant un abri de repos et la cuisine. Peu après huit heures, les groupes en position au Charvia et à Gimont sont violemment pris à partie, ils se replient. Vers neuf heures, des formations italiennes très denses progressent dans tout le secteur. Dès qu’elles sont repérées, l’artillerie ouvre le feu. Les tirs bien ajustés causent des pertes sévères à l’ennemi.
21 juin
Nuit relativement calme et pluvieuse comme la veille, l’observation est impossible en raison du brouillard. Des 5 heures du matin l’artillerie de gros calibre reprend son tir sur le Chenaillet
22 juin
Le Chenaillet est bombardé toute la journée. Vers 19h00, un soldat italien est repéré au pied du Chenaillet venant de Montgenèvre. Il cherche visiblement à rejoindre le Colletto Verde côté italien. Une patrouille provenant du Gondran le capture. Comme les jours précédents les tentatives d’infiltration en direction de la crête du Serre Blanc et du Chenaillet sont arrêtées par les tirs de nos avant-postes et les tirs vigilants de l’artillerie française. Ces tirs sont précis malgré le brouillard car ils s’appuient sur des données et des repères calculés des mois avant les combats.
23 juin
Après une nuit agitée dans le quartier Gondrans-Aittes, la fusillade reprend sur le Serre-blanc, défendu par un groupe de combat de la 3° compagnie du 72e BAF ( bataillon alpin de forteresse). L’avant-poste du Chenaillet, bombardé par l’artillerie lourde depuis 05h00 du matin, signale qu’il a deux blessés graves par éclats d’obus et que son opérateur radio est mortellement touché. La visibilité est très mauvaise : brouillard et tempête de neige par intermittence. Les brancardiers envoyés au Chenaillet sont obligés d’attendre une accalmie dans l’ouvrage d’infanterie Gondran E. L’ADC Béraud décide d’envoyer un agent de liaison porter la nouvelle au PC de sa compagnie. Il est désormais isolé avec ses hommes et sans moyens téléphoniques car les fils sont coupés et son poste radio ne fonctionne plus. Le PC lui fait parvenir 4 pigeons voyageurs.
A 11h30, après un très violent bombardement auquel participent les deux tourelles encore valides du Chaberton, le poste est attaqué par l’infanterie italienne qui submerge le poste après de furieux combats au corps à corps. L’ADC Béraud n’a que le temps d’envoyer ses pigeons voyageurs pour rendre compte au PC que toute résistance est devenue impossible. Il sera fait prisonnier avec ses hommes.
La prise du Chenaillet fut une belle victoire italienne. Aussitôt connue, elle va être annoncée dans toute la presse italienne.
L’absence de repli à temps du poste s’explique car contrairement à la section qu’il avait remplacée et qui devait seulement ralentir l’avance italienne puis se replier sur la position de résistance vers les Gondrans, l’Adjudant-chef Béraud (ADC) avait reçu l’ordre de son chef de corps le chef de bataillon Véricel de tenir sa position coûte que coûte et de ne se replier que sur ordre en lui précisant oralement qu’il ne lui enverrait probablement jamais cet ordre tant sa position était essentielle.
Effectivement cet ordre ne lui a jamais été donné.
L’ADC a tenu le plus longtemps possible remplissant ainsi magnifiquement sa mission car la ligne de résistance principale n’aura jamais été atteinte.
Après la prise du Chenaillet et une petite accalmie, les combats se sont poursuivis le 24 juin. Les Italiens voulaient pousser leur avantage.
Dans la nuit du 23 au 24 juin, une patrouille de la S.E.S du ll /159e RIA, effectue une reconnaissance de nuit sur Serre-Blanc, rentre au jour sans avoir rencontré l’ennemi qui, comme les jours précédents, s’est replié au-delà de la frontière. Depuis l’aube, l’artillerie ennemie tire sur nos positions de toutes ses pièces. Malgré les pertes subies et l’annonce prochaine de l’armistice, le commandement italien opiniâtre, veut poursuivre ses attaques. Sur l’ensemble des sous-secteurs Montgenèvre Cervières, la même manœuvre que les jours précédents est reprise dès le petit matin en plein jour : diversion par les hauts de Cervières et attaques principales au col du Montgenèvre. Les tirs d’artillerie sur les positions françaises durera jusqu’à 0h35, heure prévue par la convention d’armistice pour la cessation du feu. Le bombardement particulièrement intense atteindra son maximum vers le milieu de l’après-midi. La replate des Gondrans, le Gondran C, Les Aittes sont particulièrement pris à partie.
Dans la journée, la S.E.S du 86e BCA capture un fantassin italien égaré à la Chaux, et dans la soirée c’est la S.E.S du 72e BAF qui, à son tour, capture deux Italiens avec un mulet vers l’Echalp.
Des rumeurs sur la cessation des hostilités circulent ; à 19h30, la capitulation est officielle.
A partir de 21 heures, soit 03h35 avant l’armistice, et jusqu’à la dernière minute, toutes les batteries françaises effectuent des tirs d’interdiction et de destruction sur les rassemblements ennemis qui s’opèrent en arrière de la frontière et dont le commandement de quartier a eu connaissance par des messages radiophoniques italiens en clair. Il s’agit de montrer aux italiens la pugnacité des troupes françaises qui, jusqu’au dernier moment, ne fléchissent pas. Finalement à minuit pile, le général Cyvoct téléphone à ses deux principaux subordonnés et leur indique, 35 minutes plus tard que les combats doivent cesser et que les unités resteront sur place. Vers 0h30, les tirs s’arrêtent progressivement laissant place à une impression de calme absolu après la tempête.
Au matin du 25 juin, l’occupation de l’ennemi se limitait dans le quartier à la ligne marquée par : le Chenaillet, la crête de Serre-Blanc, les Fraches , Rif tord, la borne frontière 39.
Conclusion, l’examen des opérations menées du 10 au 25 juin en Briançonnais permet de constater que, d’une part, la position de résistance n’a été abordée en aucun point du secteur, en dehors de l’épisode du Chenaillet, partout les éléments d’avant-poste ont résistés aux assauts de l’ennemi et contenu leurs attaques, malgré une supériorité numérique de l’infanterie italienne s’élevant généralement à 10 contre 1.
Contrairement à ce que le commandement italien croyait initialement, les huit canons du Chaberton, ne sont pas venus à bout des obstacles rencontrés par son infanterie. Mal renseignés, les artilleurs du fort du Chaberton n’ont obtenu aucun résultat probant au cours des premiers combats. La neutralisation de six tourelles sur huit a ensuite causé un choc moral considérable chez les assaillants. L’atout majeur de l’attaque italienne s’effondrait. Les « Fanti » le savaient. Ils ont néanmoins courageusement poursuivi leurs attaques jusqu’au 24.
Ci-après l'exemplaire original de l’ordre général N° 3 du général Cyvoct du 25 juin 1940.
Tir artillerie
Photo Brillia. coll Guasco
Une victoire de l’artillerie française
Installée depuis près d’un an sur le terrain, l’artillerie organique française avait poussé, jusqu’à l’extrême détail, la préparation de son action défensive et l’entrée en ligne des unités de renforcement. Une topographie soigneuse avait été réalisée tant pour les positions que pour les buts auxiliaires et les objectifs éventuels ; les positions de tir de chaque position avaient été minutieusement étudiées et de puissantes concentrations préparées sur toutes les zones de passage ou de rassemblement. L’observation avait fait l’objet de tous les soins du commandement : observatoire de surveillance, à la frontière même, et dont le repli était prévu ; observatoire avancé sur la ligne des avant-postes, au flanc des vallées ; observatoire plus éloigné, sur les sommets. On peut dire qu’aucun point du terrain n’échappait à nos observateurs. En outre, un réseau très complet de transmission, par fil et par radio devait permettre, pendant toutes les opérations de renseigner, de commander et de régler les tirs.
Il faut aussi ajouter que la liaison avec l’infanterie était parfaite : les postes de commandement étaient juxtaposés ; la confiance réciproque entre fantassin et artilleur, vivant et travaillant ensemble depuis de longs mois, était absolue. L’artillerie du Briançonnais a tiré 16 055 obus au cours de la bataille, ce qui représente 462 tonnes de munitions. Elle a renversé le rapport de force initialement très défavorable pour les Français.
ordre général N° 3
exemplaire original du général Cyvoct du 25 juin 1940.
Sincères remerciements à la municipalité de Cervières et aux associations locales pour leur soutien!
CERVIERES