Armée des alpes Juin 1940
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Code lieu: 698

Les opérations dans le sous-secteur Ubaye / Ubayette

Le rapport de forces est de huit contre un en faveur des Italiens

Par Bertrand Hubert , Hubert Tassel , Philippe Lachal et Jehan Landé

Code lieu: 698
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L’opération italienne « M » pour Maddalena (nom italien du col de Larche) a pour objectif premier la conquête du bassin de l’Ubaye et de Barcelonnette, puis la saisie de la moyenne Durance avant de poursuivre sur Marseille en rejoignant les forces italiennes engagées sur les Alpes Maritimes.

La vallée de l’Ubaye forme un des axes clé d’invasion pour les forces italiennes.

Le sous-secteur de l’Ubaye-Ubayette est défendu par deux bataillons : le 1er bataillon du 299e régiment d’infanterie alpine (RIA) et le 83e bataillon alpin de forteresse (BAF).
Cinq sections d’éclaireurs-skieurs (SES) provenant de ces unités et deux compagnies se trouvent sur la ligne d’avant-postes à proximité de la frontière franco-italienne.
Deux groupes d’artillerie sont à la disposition du lieutenant-colonel Dupont de Dinechin, commandant le 299e RIA et le sous-secteur Ubaye-Ubayette.
Le fort de Tournoux, situé au confluent de l’Ubaye et de l’Ubayette, constitue un point clé de la défense du sous-secteur par la présence des postes de commandement du 299e RIA, celui du 83e BAF et du commandant de l’artillerie.

Face à ces unités, les Italiens vont engager trois divisions : la division « Acqui » attaquant en Ubayette, la division « Cuneense », engagée en Ubaye et la division « Forli » engagée sur le fort de Viraysse et le col de Larche.

1. Les combats de juin 1940 dans le sous-secteur de l’Ubaye

1er jour : 22 juin 1940.

Les unités de gardes-frontières (GAF) italiennes et le 2e régiment d’Alpini entrent en Ubaye par les points de passage de la frontière allant du col du Longet jusqu’à celui de Stroppia. Les sections d’éclaireurs-skieurs (SES) se replient afin de protéger au plus près l’ouvrage de Maurin. Plus au sud, le bataillon « Saluzzo » (2e Alpini) franchit avec difficulté le col de l’Autaret très enneigé et parvient à la bergerie du lac de Parouart tandis que le bataillon « Borgo San Dalmazzo » descendant du col de Mary parvient en vue de la vallée vers la mi-journée.

Ce bataillon est d’abord freiné dans son élan par la SES bis 73e BAF puis fixé jusqu’au soir par le petit groupe de combat du sergent Bramati installé à l'abri de rochers vers la croix du Passour. La pression des assaillants se fait forte sur le PA de Maurin tenu par la 2e compagnie du premier bataillon du 299e régiment d’infanterie alpine (RIA). Aussi, dans la soirée, le commandement du secteur autorise-t-il le chef de bataillon Achard à replier son avant-poste (le PA de Maurin) sur la ligne principale de résistance, c’est-à-dire les points d’appui (PA) de Fouillouse, à huit kilomètres en arrière. Ce repli n’aura pas lieu car le lieutenant Berthet commandant le PA, qui a, jusqu’alors arrêté toutes les infiltrations, se fait fort de tenir sa position.

Dans la partie sud du dispositif, le 1er Alpini s’est aussi lancé à l’attaque dès le matin. A 5 h, le caporal-chef Arnaldo au Bloc 3 du petit ouvrage (PO) de Plate Lombarde sonne l’alarme : 200 Italiens viennent de déboucher du col de Stroppia et « descendent en zigzag comme en pays conquis ; le col est noir de monde ». L’artillerie est immédiatement prévenue et, lorsque l’ennemi atteint le fond du Vallonnet. Une pluie d’obus s’abat, venant tout à la fois de la tourelle de Roche-la-Croix et de la batterie de 105 mm de Serennes. C’est aussitôt la débandade ! Vers 17 h, une seconde tentative subira le même sort et sera repoussée. Au cours de cette journée, l’artillerie tire plus de 300 coups sur la zone.

Dans le même temps, le bataillon italien « Dronero » qui a franchi le col de la Gypière a atteint rapidement le refuge du Chambeyron et menace très directement le PA de Fouillouse Haut. Les pièces d’artillerie de Vallon Claous, de Saint-Paul et de Serennes les prennent sous un feu nourri. Leur commandant blessé, les Italiens tentent de se replier. Une partie reflue vers le refuge de Chambeyron, une autre essaye de s’échapper par les éboulis de la Souvagea et vient s’abriter dans la combe du Nid d’Aigle.

 

2e jour : 23 juin

La météo est extrêmement mauvaise : brouillard, pluie, neige et froid. Au nord, la division « Cuneense » reprend l’offensive à 5 h avec pour premier objectif Saint-Paul et doit, pour y parvenir, s’emparer d’abord du PA de Maurin qui résiste toujours.

La matinée

À Maurin, les 14e et 15e compagnies du bataillon « Borgo San Dalmazzo » attaquent vivement de front le point d’appui pendant toute la matinée tandis qu’une compagnie du bataillon « Saluzzo » tente de déborder la section Velluet qui en tient la partie nord, mais sans résultats appréciables.

Dans la zone de Fouillouse, la partie du « Dronero » qui s’était repliée la veille au refuge du Chambeyron s’est regroupée et attaque en direction de la vallée, freinée par deux groupes de la SES III/299e RIA. Toutefois, à la faveur du brouillard épais, les Alpini finissent par atteindre, sans être repérés, les barbelés qui ceinturent le PA de Fouillouse Haut. Brusquement, vers 9 h 30, le brouillard se déchire et les défenseurs aperçoivent immédiatement les assaillants à quelques dizaines de mètres. Un feu nourri d’armes automatiques les rejette aussitôt derrière le rebord de terrain que suit le sentier.

L’après-midi

À Maurin, les Italiens sont soutenus à partir de 12 h 30 par deux batteries de montagne du groupe « Pinerolo » (4e RAM) qui ont réussi à franchir le col de Mary, mais sans grand effet.

À la fin de la journée, seules deux sections de la 23e compagnie du « Saluzzo » auront réussi à contourner le PA par le nord et à suivre les hauts de la rive droite de l’Ubaye. Des éléments de la SES bis 73e BAF contiennent le « Pieve di Teco » dans le vallon de Chillol, appuyés efficacement par l’artillerie qui arrose copieusement les deux cols (Pas Nord et Pas Sud de Chillol) qui donnent accès aux lacs du Marinet.

 

3e jour : 24 juin

Le « Dronero », quant à lui, est quand même parvenu dans le bois de Preina et la combe du Nid d’Aigle à 400 m environ de la route de Maurin entre le Châtelet et Saint-Antoine. En milieu d’après-midi, un grand flottement se dessine chez les Italiens. Certains Alpini cherchent le salut dans un repli, qui ressemble plus à une fuite, par le Pas de la Souvagea, d’autres complètement assommés par deux jours de martèlement d’obus et d’armes automatiques préfèrent se rendre. Ils sont recueillis par le groupe de combat de Saint-Antoine.

Une section reste en couverture au niveau du lac Premier entre le refuge du Chambeyron et le col. Pour ces deux jours de combats, 72 prisonniers auront été faits dans la zone Fouillouse – Saint-Antoine.

Par ailleurs, la 13e compagnie du « Borgo San Dalmazzo » qui tente de déborder vers la Blachière, au sud du PA, est stoppée par une zone minée. Une cinquantaine de prisonniers sont capturés sur le plateau de Chauvet par la section Delajoud du I/299e RIA.

Sur Fouillouse, le Châtelet et Serennes, les opérations auraient dû reprendre à 5 h 30. Mais le 1er Alpini a ordonné au « Dronero » et au « Ceva » durement éprouvés de n’envoyer que des éléments d’observation et de sécurité ainsi que d’essayer de récupérer les blessés et égarés des deux jours précédents.

La situation au moment de l’Armistice

Avant que ne survienne l’heure du cessez-le-feu, les Italiens veulent à tout prix gagner du terrain, en particulier à Maurin. Ils réussissent à nouveau à s’infiltrer dans le PA en fin d’après-midi et, vers 21 h 30, après avoir progressé sous la Gélinasse par le col de Miéjour et le vallon de Teste, parviennent sur la rive gauche à moins de 300 m de la position des canons de 65 mm installés à La Barge. Le sous-lieutenant Restelli qui commande la section fait alors pivoter ses pièces et déboucher à zéro ; l’ennemi est repoussé avec l’aide, une fois encore, de la SES bis 73e bataillon alpin de forteresse (BAF). Quelques Italiens sont capturés. Au centre du PA, la section de l’adjudant Dubouchet se maintient au niveau de l’église de Maurin, tandis que, au sud sur la rive droite, la section Belloc au niveau de Maljasset contient toujours l’adversaire. Les assaillants sont ainsi fixés quasiment hors du périmètre avec le soutien des batteries du quartier (Serennes et Saint-Paul).

2. Les combats de juin 1940 en Ubayette

Ce sont trois périodes que l’on distingue de la déclaration de guerre (10 juin 1940) à l’armistice (25 juin à 0 h 35) :

  • du 10 au 16 juin : attente sur la défensive de part et d’autre avec renforcement des patrouilles de surveillance et d’observation ;
  • du 17 au 21 juin : mise en place des dispositifs offensifs italiens, premiers engagements localisés et tirs d’artillerie ;
  • du 21 au 25 juin 0 h 35 : offensives italiennes énergiques (tentative de submersion), résistance française ferme sur la Ligne des avant-postes.

 

L’action de la SES du 83e BAF

Dans le dispositif défensif français du col de Larche, la SES 83e BAF est le seul élément de surveillance, d’observation et de retardement entre la Ligne des Avant-Postes et la frontière, depuis la Tête de Sautron au nord jusqu’au rocher des Trois Evêques au sud. Cette SES compte 25 hommes commandés par le lieutenant Costa de Beauregard, secondé par son adjoint Boncourt. Elle s’articule théoriquement en trois groupes de combat, chacun commandé par un sergent (Buloz, Audizio et Reynaud). En fait, cette structure de la SES 83e BAF peut être qualifiée d’allégée puisqu’une SES type regroupe une quarantaine d’hommes (3 groupes de combat et un groupe de commandement renforcé) et d’éclatée puisque, bien souvent, elle opérera fragmentée en 5 groupes de combat.

La SES a pris son cantonnement au chalet alpin de Maison-Méane depuis l’hiver 39-40. De nombreuses patrouilles lui ont permis d’acquérir une parfaite connaissance de son terrain d’action dont sommets et crêtes, brèches et cols, ravins et pierriers n’ont plus de secrets pour elle. Fin mai 1940, quand la tension est devenue de plus en plus sensible, le poste avancé de Maison-Méane a été renforcé par la 2e section de la 2e compagnie du 83e BAF de l’adjudant-chef Coupez avec une vingtaine d’hommes ; par ailleurs, une partie de la SES, le groupe du sergent Buloz, a reçu une mission de guet permanent à Tête Dure, ainsi que de surveillance et de verrouillage depuis le col Rémy jusqu’au Bec du Lièvre.

Dans la journée du 13 juin, dans un tout autre secteur, à la côte de l’Alp, près de la frontière, une patrouille conduite par l’adjudant Coupez essuie des tirs de mitrailleuse, sans dommage.

Du 14 au 16 juin, sous une pluie battante, la SES 83e BAF et la section Coupez continuent à patrouiller mais l’observation est gênée par le très mauvais temps. Aucun accrochage n’est à signaler.

Tirs de contre-batterie de l’artillerie divisionnaire (17 et 18 juin)

L’observatoire d’artillerie de Viraysse commandé par le lieutenant Duittoz du 162e RAP (commandant d’ailleurs l’ensemble de l’avant-poste de Viraysse) signale en fin d’après-midi l’installation d’une batterie italienne à environ 1 km au sud-est du lac de la Madeleine. Les tirs en vue de sa destruction sont confiés à l’artillerie divisionnaire. Ce sont les deux 155 mm L Modèle 77 de Bange positionnés à la Charbonnière près du Fort supérieur de Roche-La-Croix qui doivent intervenir. Le relais est alors pris par les 155 mm C Schneider de la 13e batterie du 293e RALD en position à Saint-Ours. L’observatoire de Viraysse peut juger de l’efficacité des 20 coups tirés qui musèlent la batterie italienne.

Le lendemain 18 juin, le 155 mm L de la Charbonnière tire 12 coups sur ce même objectif.

Premiers prisonniers italiens (18 juin)

Le lendemain, 18 juin, la SES est au repos dans son cantonnement de Maison-Méane lorsqu’un guetteur signale vers midi un détachement italien descendant la rive gauche de l’Ubayette en direction du hameau. Le lieutenant Costa de Beauregard rassemble rapidement un groupe qui se porte au-devant de l’ennemi. Une embuscade est montée à environ 400 mètres en amont de la tranchée de la rive gauche de l’Ubayette. A 12 h 35, le dispositif est à peine mis en place que la dizaine d’Italiens qui constituent la patrouille ennemie débouche tranquillement sur le sentier. Quelques rafales de FM tirées au-dessus et devant le détachement font effet immédiatement : tous lèvent les bras et se rendent aux premières sommations. Douze Italiens sont ainsi capturés dont un sergent et un caporal.

Dans l’après-midi, nouveau bombardement italien sur les tranchées de Maison-Méane.

Les Italiens tâtent la défense française (19-21 juin)

Le 19 juin, au lever du jour, une patrouille italienne de six hommes s’infiltre dans le ravin de Rouchouze et parvient au contact du PA des trois mélèzes (2018). Les hommes du sergent-chef Griennay font bonne garde et la fixent aisément. Puis, sous les tirs conjugués de 2018 et de 1893, elle est contrainte de se replier. Devant les signes avant-coureurs d’une offensive imminente, dans la nuit du 19 au 20 juin, le génie détruit le pont de Maison-Méane sur la RN 100.  Le lendemain 20 juin, à 8 h, c’est le pont de la douane à Larche qui saute à son tour.

En fin de journée, l’artillerie italienne prend violemment à partie Viraysse qui subit un bombardement intense : des éclats de 305 mm sont même identifiés. Par ailleurs, le câble téléphonique est sectionné mais auparavant Viraysse a pu signaler des détachements ennemis au col de Sautron qui sont immédiatement (19 h 50) dispersés par un tir de 105 mm. La tourelle de Roche-La-Croix détruit deux observatoires italiens vers le col de Portiola et la Tête des Parties. Ces actions font cesser le tir ennemi.

Le 21 juin débute, dès l’aube, par un violent bombardement de l’artillerie italienne sur Viraysse, 2018, 1893, Larche, Maison-Méane. Puis les Italiens commencent à tâter les défenses françaises vers Tête Dure dans le secteur de l’Oronaye. Après avoir pénétré en territoire français et remonté le vallon, des sections d’Alpini tentent de s’installer au col de la Gypière de l’Oronaye et de menacer ainsi l’AP de Viraysse par le sud.

Le feu nourri et puissant du groupe Buloz embusqué au rocher Peyron et au Bec du Lièvre les font renoncer à leur projet et les maintient à distance malgré les tirs (lointains) de mitrailleuses et un bombardement de mortiers de 81 mm. En fin de matinée, une colonne ennemie montant du lac de la Madeleine est dispersée par les tirs de 155 mm de la 13e batterie du 293e RALD (capitaine Maire) installés à Saint-Ours (tirs observés de Viraysse par le maréchal des logis Ragris du 162e RAP). Au cours de la journée, l’ennemi renforce sa présence sur tous les cols ; des infiltrations sont observées vers le Lauzanier par le col de Larche et les Pas de l’Enclause et de l’Enclausette. Enfin le soir, à 19 h et 20 h, tirs des 155 C mm Schneider Mle 17 de Roche-la-Croix sur le versant sud de la crête de Ventassus (vers la cote 2108), puis des 105 mm L Mle 13 de Meyronnes sur les observatoires du col de Portiola.

Viraysse isolé

Après une forte préparation d’artillerie, dès l’aube, les Italiens se sont lancés à l’attaque au nord, sur la haute vallée de l’Ubaye, du col de Stroppia au col de Longet.

En Ubayette, c’est à 8 h que commence le pilonnage de Viraysse, Maison-Méane, et Larche avec des calibres allant du 75 mm au 305 mm et qui va durer presque 4 heures ; Viraysse est plus particulièrement visé et le sommet est rapidement recouvert d’un panache de fumée. Ceci ne contribue pas à maintenir le moral des artilleurs des 150 mm de tranchée. De plus, les emplacements de ces vénérables « crapouillots », entre le col de Viraysse et la batterie, ont été aménagés dans la pierraille et la protection des servants est problématique. Le violent bombardement est suivi par l’attaque de la 44e Fanteria de la division « Forli » qui débouche du col de Sautron et progresse dans les pentes est et sud-est de la Tête de Viraysse. En outre, les Italiens passés par les cols de Portiola et de la Portiolette se sont emparés du sommet de la Meyna et y ont installé des mitrailleuses. Pris quasi à revers, les servants des 150 mm de tranchée abandonnent leurs positions et se replient sur Saint-Ours. Les Italiens tentent de contourner Viraysse par le nord pour se diriger ensuite, d’une part vers Plate Lombarde et Fouillouse et, d’autre part par le Riou du Pinet (Riou de la Peyrouse) vers Saint-Ours et Meyronnes. Ils sont contenus pour l’instant dans le Vallonnet par des tirs d’artillerie efficaces.

Enfin, le bombardement a détruit le câble téléphonique déjà sectionné le 20 juin. Il n’y a plus pour communiquer avec l’arrière que le poste de radio des observateurs d’artillerie du 114e RAL. Son antenne est sans arrêt détruite par les bombardements et la clé de chiffrage des messages comporte une erreur ; toute communication est impossible : Viraysse ne répond plus !

Combats retardateurs à Tête Dure

Dès le début de leur bombardement d’artillerie, des tirs concentrés de destruction visent les PA 1893 et 2018 et Maison-Méane, où l’alpin Guchamide est blessé dans la matinée. Dans le secteur de Tête Dure, une batterie de 65 mm prend d’abord à partie le groupe Buloz avec un tir très bien ajusté ; puis, dans la matinée, la 43e Fanteria de la division « Forli » déferle par le col des Monges vers le ravin de Rouchouze et sur Tête Dure vers le col Rémy.

Laissant seulement un petit groupe en position à Maison-Méane,le lieutenant Costa se précipite avec le reste de sa SES à la rescousse du groupe Buloz durement accroché à Tête Dure. Avec leurs trois fusils-mitrailleurs et leurs mousquetons, la quinzaine d’éclaireurs embusqués sur la crête entre le col Rémy et le Bec du Lièvre vont pendant de longues heures repousser avec succès les assauts italiens sur Tête Dure et en direction du Riou de Rouchouze.

À 16 h, estimant avoir rempli sa mission retardatrice, le lieutenant Costa donne l’ordre à ses deux groupes de décrocher. Tout en combattant, les hommes parviennent à force de marches et contre-marches, zigzags, bonds en avant et retours en arrière, à gagner d’abord le bois des Challanches, puis Maison-Méane. Pendant toute la journée, l’artillerie du secteur Ubaye – Ubayette riposte par des tirs de contre-batterie sur les régions Saretto – Chiappera et Nord de Sautron.

Au secours de Viraysse

Cependant, fort inquiet du silence de Viraysse et particulièrement conscient de l’importance primordiale de la position, le colonel Dessaux souhaite être renseigné de façon précise sur la situation et pouvoir la maîtriser avec des effectifs suffisants. Aussi, il sollicite le lieutenant Costa de Beauregard par téléphone qui met son monde en route, bon gré mal gré, vers 22 h 30. Le temps est exécrable : pluie, neige et tourmente en altitude.

La SES doit dans un premier temps gagner le col de Mallemort à 2 558 m soit un dénivelé de près de 1000 mètres. En passant à l’ouvrage de Larche, une bonne surprise attend les éclaireurs affamés : à la demande du commandant Gaudillot, le sergent-chef Dunand commandant l’ouvrage a fait préparer un énorme repas. En arrivant au col de Mallemort, en pleine nuit et dans la tourmente, Costa ne peut se faire qu’une idée assez confuse de la situation. Arrivé près du col de Mallemort, la SES s’installe un peu à l’ouest du col, d’où elle peut surveiller à la fois les pentes nord et ouest de Viraysse et le ravin du Pinet.

Dans la tourmente (23 juin).

Les divisions « Forli » et « Acqui » reprennent leur attaque le 23 juin, dès 5 h du matin, par un violent bombardement qui dure jusqu’à 9 h. Le pilonnage vise les tranchées de Maison-Méane et le hameau, les avant-postes de Larche et de Viraysse, et les PA repérés de 1893 et 2018.

Maison-Méane – Fontcrèze – Malboisset

L’attaque italienne au centre, c’est-à-dire par le col de Larche, est déclenchée à 9 h quand cessent les tirs d’artillerie. Les 17e et 18e Fanteria de la division « Acqui » appuyées par la XXIIIe CCNN (Légion d’assaut de Chemises Noires) attaquent le long de la RN 100 et de part et d’autre de l’Ubayette. Malgré le barrage d’artillerie et les tirs de mortiers ainsi que ceux des mitrailleuses de l’avant-poste de Larche, l’ennemi atteint vers 10 h le réseau de barbelés autour de Maison-Méane. Il commence à déborder le dispositif avancé. L’alpin Franc parti de l’ouvrage de Larche a déjà apporté l’ordre de repli à la section de l’adjudant-chef Coupez. Bien que débordée, la section se replie en ordre en trois groupes par des chemins reconnus et en tiraillant pour couvrir sa retraite. Un groupe doit gagner une position près du Rif Fort ; les deux autres groupes, sous le commandement respectif de l’adjudant-chef Coupez et du sergent Meyzencq, doivent rejoindre le PA de Fontcrèze. Lorsqu’ils parviennent à proximité, des coups de feu les accueillent : les Italiens les ont devancés

Ce 23 juin, l’artillerie aura consommé plus de 2 000 coups en Ubayette. Une de ses actions peut être plus particulièrement soulignée : le PC artillerie sur renseignement concernant une demande de renforts motorisés par les Italiens tente de couper la route près du pont de la Maddalena à environ 2 km au-delà du col de Larche. La section de 155 mm L de la Charbonnière tire 24 coups sur l’objectif. Selon les informations recueillies après l’armistice, la destruction de la route fut réussie et coupa tout ravitaillement vers le col de Larche.

L’ultime journée de combat (24 juin

Le temps reste exécrable : froid, brume, pluie et même neige en altitude. Cependant l’attaque ennemie reprend avec vigueur.

Viraysse tient toujours

Les défenseurs de Viraysse vont encore passer une nuit blanche puisque les Italiens reprennent leurs attaques vers minuit ; c’est à la grenade qu’elles sont repoussées.

Toute la matinée du 24 juin, la 44e Fanteria de la division « Forli » attaque de front avec ses IIe et IIIe bataillons tandis que son Ier bataillon tente de déborder par les pentes sud-est. La progression de l’ennemi se fait à la faveur d’un brouillard particulièrement épais.

En fin de matinée, le capitaine Rollet arrive en renfort avec deux sections de la 3e compagnie du I/299 ; l’une réoccupe le Roir Alp, l’autre renforce la défense de la ‘‘redoute’’.

Ayant profité au maximum du brouillard, l’ennemi parvient vers 15 h à atteindre les superstructures de l’ancienne batterie. Une sortie résolue des défenseurs le repousse à coup de grenades et de tirs de fusils-mitrailleurs dans les pentes où il est pris à partie d’abord par les 150 mm T puis, alors que le brouillard se lève brusquement, par l’artillerie du secteur. À la fin de la journée, malgré tout, la situation peut être considérée comme rétablie définitivement puisque les Italiens ont lâché pied autour de Viraysse et se replient.

Le PA de Fontcrèze perdu puis repris

Sur la rive gauche de l’Ubayette, un bataillon entier de la 17e Fanteria attaque en force le PA de Fontcrèze déjà durement bousculé la vieille. Devant le nombre des assaillants, le petit groupe de défenseurs doit abandonner la position et se replier. Quasiment exténués, ils gagnent Certamussat sous le couvert des bois couvrant les pentes escarpées de la rive gauche de l’Ubayette. Après avoir pris quelques repos, ils repartent pour contenir les Italiens qui ont poursuivi sur leur lancée au-delà de Fontcrèze . Ils parviennent à les bloquer vers 19 h au niveau de la crête de Rofre , soit à plus d’un kilomètre en aval de l’avant-poste de Larche qui aurait pu être tourné. ; le groupe contre-attaque vigoureusement et réoccupe le PA de Fontcrèze. Ainsi à l’armistice, la Ligne des avant-postes et de leurs points d’appui sera totalement rétablie.

Bouquet final de l’artillerie (nuit du 24 au 25 juin jusqu’à 0 h 35).

L’annonce du cessez-le-feu est faite vers 19 h. L’armistice interviendra à 0 h 35. Ordre est donné de jalonner les lignes françaises de drapeaux tricolores : à Larche, c’est celui de la gendarmerie qui est hissé au mât du bâtiment des Douanes, à l’entrée est du village, rive droite du torrent de Rouchouze.

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