Armée des alpes Juin 1940
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Code lieu: 747

Les combats à Pont de l’Isère

Pont-de-l’Isère : point extrême de l’avancée allemande dans le sud de la France lors la campagne de France de 1940 ».

Par Thierry CHAZALON

Code lieu: 747
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Les combats à Pont de l'Isère

L’ARMÉE DES ALPES DU GÉNÉRAL OLRY STOPPE LA 4e PANZERDIVISION

23-24 juin 1940. Alors que le pays sombre dans le chaos, 1 500 soldats, appuyés par une poignée d’aviateurs et de marins, stoppent dans le nord de la Drôme la dernière offensive allemande de la campagne de France. Les combats se déroulent de Saint-Nazaire-en-Royans en passant par Romans jusqu’ici, à Pont-de-l’Isère.

Dans l’histoire de la campagne de France de 1940, Pont-de-l’Isère occupe une place remarquable : son territoire marque le point extrême de l’avancée allemande dans le sud de la France.

SITUATION GÉOGRAPHIQUE

Pont-de-l’Isère est situé dans le nord-ouest du département de la Drôme sur la basse vallée de l’Isère. Sur l’autre rive s’étend le territoire de Châteauneuf-sur-Isère. Les deux communes sont reliées par un pont routier qu’emprunte la route nationale 7. Le débouché du pont ferroviaire de la ligne Paris-Lyon-Marseille est lui situé à la Roche-de-Glun, à quelques mètres de la séparation avec la commune de Pont-de-l’Isère.

ORGANISATION DE LA DÉFENSE

C’est sur le territoire de la commune de Châteauneuf-sur-Isère que se regroupe les unités françaises chargées de la défense de cette zone. Dans le dispositif défensif du Groupement de défense de la basse-Isère (PC : Valence), elle constitue le 4e sous-secteur et est placée à l’aile gauche, à la fois du Groupement, mais aussi de la ligne de défense de l’armée des Alpes sur l’Isère.

Le sous-secteur n°4 de Pont-de-l’isère est placé sous le commandement du commandant Bluteau. Ses hommes du 1er bataillon du 20e Régiment d’Infanterie Coloniale (20e RIC) sont présents sur zone depuis plusieurs jours, sans artillerie, ni défense anti-char.

Ce sont deux canons de marine de calibre 65 du 5e dépôt des Équipages de la Flotte de Toulon qui vont assurer la couverture anti-char des deux ouvrages d’art route et fer. Ils sont servis par une douzaine de canonnier de marine arrivés avec leurs pièces le 19 ou le 20 juin.

Les canons de marine sont positionnées ensemble au lieu-dit « Le Saut-des-Chèvres » sur la commune de Châteauneuf. Ces pièces ne sont pas mobiles et, sous une pluie diluvienne, les marins vont couler une dalle de béton pour y fixer l’affût crinoline. Une casemate est montée avec des remblais pour assurer une protection aux équipages.

Dans le même temps, le 20 juin au matin, le pont routier est dynamité par l’armée française. isolant Pont-de-l’Isère du sud de la France. Les lignes téléphoniques sont coupées. Pendant ce temps, le viaduc ferroviaire est obstrué par des cheminots portois pour empêcher le passage des véhicules et des blindés allemands.

L’obstruction du pont ferroviaire Roche-de-Glun – Châteauneuf-sur-Isère

Après que les rails aient été enlevés, deux équipes de cheminots reçoivent la délicate mission de faire dérailler, sur l’ouvrage, une locomotive puis des wagons sur chacune des deux voies. Deux machines roulant côte à côte quittent le dépôt de Portes-lès-Valence poussant devant elles deux locomotives « froides ». À hauteur du Saut des Chèvres, les mécaniciens renversent la vapeur, les deux motrices repartent en marche arrière et rejoignent leur base ; les deux machines « froides » poursuivant leur course, déraillent sur le viaduc.

LA WEHRMACHT

C’est la 4.Panzer-Division (13 000 hommes) du 16e Armee-Korps qui s’élance le 21 juin de Lyon en direction de la Drôme, avec objectif la prise de Valence où se trouve le PC de l’Armée des Alpes (en réalité déplacé à Bollène face à l’irruption des Allemands dans la vallée du Rhône). C’est le Schützen-Regiment.33, appuyé par un détachement de Panzer, qui reçoit la mission de franchir l’Isère à Pont et de foncer sur Valence.

LES COMBATS

Samedi 22 juin

7 heures du matin : deux auto- mitrailleuses allemandes font leur apparition et vont jusqu’à la sortie sud du village où elles s’arrêtent un instant, constatent la destruction du pont routier, puis rebroussent chemin. Dans le ciel, le premier mouchard allemand fait son apparition.

15 heures : une formidable explosion et un énorme nuage de poussière s’élève au-dessus de Châteauneuf-d’Isère. C’est la réserve de poudre du Camp de Chambarand entreposée dans une des grottes de la propriété Perrin qui vient de sauter. Une fausse manœuvre est à l’origine de l’explosion tuant 12 sapeurs du 4e régiment du Génie.

18 h 50 : l’armistice est signé avec l’Allemagne mais il prendra effet lorsqu’il sera également signé celui avec l’Italie. En attendant, les hostilités se poursuivent.

Dimanche 23 juin,

6 heures du matin, une compagnie de fusiliers allemands arrivent en camions et se dirige vers l’Isère. Sur l’autre rive, le commandant Bluteau en est immédiatement informé par le chef de gare qui, comme convenu, manœuvre à ce moment-là le sémaphore installé au sud du pont de chemin de fer. Apercevant un rassemblement de véhicules sur la RN 7, les canons de marine tirent 5 coups et dispersent les hommes du Schützen-Regiment.33.

Lundi 24 juin

Dans la nuit, le pont ferroviaire, miné, saute. La travée sud est sectionnée en deux points mais elle est imparfaitement détruite. Vers 3 heures du matin, en faveur de l’obscurité et de la pluie, un groupe d’assaut allemand réussit à s’infiltrer sur la rive gauche. Les tirailleurs du commandant Bluteau ne parviennent pas à le repousser. Dès l’aube les pièces d’artillerie allemande, positionnées au nord du village, ouvrent le feu empêchant toute contre-attaque du bataillon d’infanterie coloniale. Le lieutenant Le Femitur communique au colonel Desenti, commandant le Groupement de défense de la basse Isère :

Compte-rendu du lieutenant Lieutenant Le Femitur ,commandant une section du 20e colonial au viaduc de Pont-de-l’Isère :

« Avons été attaqués ce matin vers 3 heures.
Destruction du pont de chemin de fer à mal joué.
6h15, la section du pont de chemin de fer n’a pu résister à un violent tir de mortiers et s’est repliée. La section vers le confluent du Rhône est en place.
Des fantassins allemands ont franchi le pont (6h23). »
LE FEMITUR

Le colonel Desenti fait alors intervenir la Réserve mobile du 146e régiment régional composé majoritairement de réservistes drômois (lieutenant Gauthier et sergent-chef Chapelle et ses deux groupes de mitrailleuses).
Dans le même temps, les canons de marine bloquent toute tentative de passage par des tirs intermittents battant les accès des deux ouvrages d’art. La Réserve mobile stoppe la progression du groupe d’assaut allemand en le prenant sous les feux de ses deux groupes de mitrailleuses. Sans possibilité de renfort immédiat, les Allemands repassent l’Isère, constatant une nouvelle fois le mordant de la défense.

À 20 heures, la nouvelle du prochain cessez-le-feu à 0 h 35, le 25 juin est connu et, des deux côtés de l’Isère, les tirs cessent avec le couché du soleil. Du côté français on déplore un tué, un soldat du 20e RIC : Ernest SERRES (35 ans) et plusieurs blessés.

APRÈS LES COMBATS

Pont-sur-Isère connaît une première occupation : une compagnie allemande cantonne jusqu’au 5 juillet avant de se porter au-delà de la ligne de démarcation.

Le 11 novembre 1942, en réaction au débarquement allié en Afrique du Nord, la Wehrmacht franchit la ligne de démarcation mettant ainsi fin à la zone libre. À cet instant, une division blindée, la 7.Panzerdivision, franchit l’Isère en direction de Toulon, la Wehrmacht parvenant, deux ans et demi après l’armistice, à réussir le franchissement de l’Isère.

Le 16 août 1944, l’aviation alliée, en soutien du débarquement de Provence réalisé la veille par la 7e US Army, bombarde tous les ponts situés sur le Rhône faisant, à Pont-de-l’Isère, dix-sept victimes parmi la population. La stèle érigée à gauche du panneau mémoriel de l’armée des Alpes de 1940 en rappelle le douloureux souvenir.

Texte de Thierry Chazalon

BIBLIOGRAPHIE

CHAZALON, Thierry. Résistances ! Les prémices (juin 1940 – juillet 1941), la Résistance débute dès le 23 juin 1940 sur les rives de la basse-vallée de l’Isère. Montélimar : autoédition, 2011. 200 p. – pp. 108 & 109.

BILLION, Bernard, Pont-de-l’Isère – 2000 ans d’histoire.
Valence : Peuple Libre, 1994. 280 p. + cahier illustrations in fine. pp. 100 à 106

BUFFIÈRES, comte de, Philibert : Les Allemands en Dauphiné et dans la Savoie – 19–25 juin 1940. Récits de la défense des deux provinces, avec gravure hors texte. Romans-sur-Isère : édition J.–A. Domergue, 1943. 244 p. in 8°.

DEMOUZON, Laurent, Savoie : juin 1940 – L’ultime victoire (vol.2) – L’attaque allemande (Savoie, Haute-Savoie, Isère). Brison Saint-Innocent : autoédition, 167 p.PEYROUSE, Jacques, Pont-de-l’Isère – Cité du 45e parallèle.
165 p. – pp. 143 à 146.

Sincères remerciements à la municipalité de Pont de l'Isère.

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