Armée des alpes Juin 1940
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Code lieu: 301

Les forts de l’Esseillon

En 1860, avec l’annexion de la Savoie à la France, les forts sont alors organisés pour faire face à l’Italie.

Par GDI (2S) Bernard Ratel et Laurent Demouzon

Code lieu: 301
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La Passerelle du Diable au début du XXe siècle

Coll : Laurent Demouzon

En 1815, la Savoie, réintégrée au royaume de Piémont-Sardaigne, édifie, face à une possible attaque française, un ensemble de fortifications sur le site de l’Esseillon, avec quatre forts et une redoute.

Un pont est réalisé en 1818, au point le plus resserré des gorges de l’Arc, pour permettre le passage entre les deux rives ; il est remplacé par une passerelle au nom de « Passerelle du Diable ».

En 1860, avec l’annexion de la Savoie à la France, les forts sont alors organisés pour faire face à l’Italie.
Une batterie d’artillerie est construite à la fin du XIXe siècle à la cote 1408.

En 1939, les forts sont aménagés pour servir de ligne d’avant-poste de la défense de Modane. Des blockhaus sont construits aux forts Charles-Albert et Victor-Emmanuel. La batterie de la cote 1408 est transformée en point d’appui. Une ligne de barbelés barre la vallée en amont des forts.

En juin 1940, le quartier de l’Esseillon est tenu par les 5e et 7e compagnies du 281e régiment d’infanterie (RI) et quatre canons antichars. Les troupes occupent les différents forts à l’exception de la redoute Marie-Thérèse qui est abandonnée au profit des défenses établies sur la rive gauche du torrent du Nant dès le 23 juin. La « Passerelle du Diable » saute le juin 1940.

Les Italiens n’arriveront jamais au contact de ces ouvrages, se contentant de progresser par la forêt de Longecote jusqu’au ravin du Nant.

La barrière de l’Esseillon

 

En 1815, le congrès de Vienne condamne la France à restituer la Savoie au Roi de Piémont-Sardaigne, Victor-Emmanuel, allié de l'Autriche.
Il utilise une partie de l’indemnité de guerre versée par les Français pour fortifier la barrière des Alpes face à la France, barrière qui n’est plus assurée depuis la destruction en 1796 par Napoléon de la forteresse de Brunetta à Susa.
La position choisie se situe en amont de Modane, sur le site de l'Esseillon. Ce contrefort rocheux est une muraille naturelle d'une centaine de mètres de hauteur qui barre l'accès à la Haute-Maurienne et au col du Mont-Cenis.

Des terrassements sont effectués dès 1817 pour mettre à nu la roche destinée à accueillir les futurs ouvrages.
Cet important chantier est confié au capitaine piémontais Olivero.

Formé au système de défense autrichien, il met en pratique les théories du marquis de Montalembert, général d'artillerie français du XVIIIe siècle.

Les forts sont conçus de manière à barrer la route à l'ennemi suivant une ligne de défense perpendiculaire à sa progression. On abandonne des tracés bastionnés au profit d'ouvrages polygonaux plus simples, aux courtines toujours perpendiculaires aux lignes de tir.

On privilégie la concentration du maximum de feux dans un espace réduit, donc facile à défendre, où les batteries sont superposées sur plusieurs niveaux. Les pièces d'artillerie sont logées dans des tours à canon composées de casemates voûtées aux murs très épais.

On veille à constituer des ensembles fortifiés avec des ouvrages détachés, se protégeant les uns les autres par flanquement réciproque.

Cinq ouvrages sont ainsi élevés, l'évasement de la vallée mettant l'ensemble hors de portée d’une artillerie ennemie qui viendrait s'installer sur les sommets alentours. Baptisés de prénoms des membres de la famille royale de la Maison de Savoie, ces forts se flanquent mutuellement par des tirs croisés.

En 1860, date du rattachement de la Savoie à la France, les bouches à feu percées dans les murailles des forts, en majorité tournées vers la France, sont désormais inutiles. Les Français, nouveaux propriétaires du site, le retourne partiellement face à l’Italie

 

Les bâtiments appartiennent à un type de casernes « à l'épreuve de la bombe » très utilisé dans toute l'Europe occidentale après 1815. Ils sont composés pour la plupart de casemates voûtées, disposées sur une trame répétitive, superposées sur deux niveaux et couvertes d'une terrasse. Les toitures en lauzes ne constituaient en quelque sorte qu'un « parapluie » destiné à garantir la mise hors d'eau de l'ouvrage en temps de paix ; en cas d'attaque, la toiture démontée ou détruite pouvait rapidement disparaître pour laisser place aux mortiers ou à l'artillerie légère installée sur la terrasse, recouverte d'une épaisse protection de terre.

 

En juin 1940, la barrière de l’Esseillon sert d’avant-poste à la défense de Modane. Elle est tenue par des éléments des 5e et 7e compagnies du 281e Régiment d’Infanterie, deux pièces de 25 mm et deux pièces de 47e Régiment d’Infanterie.

 

Le fort Marie-Christine

Construit entre 1819 et 1830, le fort Marie-Christine est l’ouvrage le plus élevé du dispositif défensif de l’Esseillon. De forme hexagonale, entourant une cour centrale, il présente toujours une face perpendiculaire à un ennemi potentiel. Une gorge légèrement concave abrite la porte d’entrée protégée par un pont-levis. Avec ses vingt canons, sa mission est de défendre le versant nord de la vallée et le plateau d’Aussois et d’assurer un flanquement efficace des forts Charles-Albert et Charles-Félix.

L’ouvrage est ceinturé d'un mur précédé d'un fossé à l'est, et d'une falaise vertigineuse à l'ouest.  Il comprend trois niveaux : un rez-de-chaussée occupé par des pièces à vocation logistique, un premier étage destiné au logement de la troupe, et un niveau supérieur, terrasse couverte, percée d’embrasures à canons. La porte d'entrée est protégée par un pont basculant placé sous le feu des créneaux de fusillade des postes de garde. Sa garnison est de centcinquante hommes.

Le fort Charles-Albert

En 1832, sont amorcés des travaux d'édification d'un dernier fort car le système de défense,constitué par les quatre ouvrages existants, laisse une brèche au nord du village d'Aussois. Ce fort, destiné à compléter l'ensemble du dispositif en verrouillant les accès au nord du site de l'Esseillon y est implanté. Les travaux sont interrompus en 1834.

 

Le cimetière sarde

Le cimetière sarde, construit en 1825, est destiné à accueillir les défunts de l’Esseillon. Son plan symétrique s’organise autour d’un calvaire central. Deux allées en croix délimitent quatre carrés d’inhumations. Les trois chapelles sont dédiées aux saints protecteurs suite à l’épidémie de choléra morbus qui a sévi en Savoie en 1849.Onze soldats français y ont été enterrés après la campagne d’Italie de 1859.

 

La batterie d’artillerie 1408

            Une batterie d’artillerie est construite par la France à la fin du XIXe siècle sur unmamelon culminant à 1 408 m, à l’est du fort Charles-Félix. Elle est transformée en 1939 en point d’appui par le 71e Bataillon Alpin de Forteresse, qui est tenu, en juin 1940, par une section du 281e Régiment d’Infanterie.

 

Le fort Charles-Félix

Achevé en 1827, le fort Charles-Félix, est destiné à combler l’espace entre le fortVictor-Emmanuel et la redoute Marie-Christine. Il surveille également l'accès du chemin reliant Aussois à Modane par la porte de l’Esseillon. Il a une forme d’étoile à quatre branches et ceinture une tour centrale armée de vingt-cinq canons.

Dressé au-dessus de la falaise à l'ouest, il est accessible à l'est par une rampe en terre conduisant à une porte monumentale en pierres de taille, orientée vers le fort Victor-Emmanuel.

Lors du rattachement de la Savoie à la France en 1860, les accords passés entre Napoléon III et Cavour, Premier Ministre de l'Italie naissante, prévoient la destruction intégrale de l'ensemble fortifié de l'Esseillon. En 1861, seul ce fort est détruit sur ordre de l'Empereur après trois jours de tirs destructeurs.

 

Le hameau de l’Esseillon

A partir de 1818, deux pavillons sont réalisés pour loger les officiers du Génie qui dirigent les travaux et les entrepreneurs. A la fin des travaux, ces bâtiments sont récupérés par l’armée pour loger les officiers et les sous-officiers. Petit à petit, les civils occupent les lieux, édifiant plusieurs bâtiments. Il existe deux fontaines publiques. Dans le bâtiment des ateliers du génie (premier à gauche en allant au fort) est implanté un lavoir où les habitants ont la possibilité de se laver.

 

Le Pont du Diable

Le Pont du Diable est construit en 1818, au point le plus resserré des gorges de l’Arc, larges à cet endroit de 9 m et profondes de 60 m, pour permettre le passage entre les deux rives. Il permet de ravitailler la redouteMarie-Thérèse en cas de conflit. En 1832, il est renforcé d’un corps de garde sur chaque rive. Après l’annexion de la Savoie, le pont se retrouve face à l’Italie, devenant ainsi inutile. Il est détruit en 1871.

 

La Passerelle du Diable

L'approvisionnement en marchandises de la redoute Marie-Thérèse est assuré par un système de câbles tendus au-dessus du ravin de l'Arc, la reliant au fort Victor-Emmanuel, ou par le Pont du Diable.

En 1850, une étroite passerelle suspendue est construite sur les gorges de l’Arc entre Marie-Thérèse et Victor-Emmanuel pour raccourcir la communication. A la suite de la destruction du Pont du Diable, l’ouvrage prend le nom de Passerelle du Diable puis improprement celui de Pont du Diable. Elle est détruite en juin 1940 par le génie français. Il faut faudra attendre 1989 pour qu’elle soit reconstruite et devienne l’attraction principale de la visite de la Barrière de l’Esseillon.

 

Le fort Victor-Emmanuel

Le fort Victor-Emmanuel, construit entre 1818 et 1828, constitue l’élément principal du système de défense de l'Esseillon. Il se décompose en une succession parallèle de huit bâtiments à double niveau, qui s’étagent de 1 270 m à 1 350 m, séparés par d'étroites plateformes. Chaque bâtiment se compose d’un rez-de-chaussée, d’un étage et d’une terrasse couverte dont la charpente se démonte en cas de conflit.

Une imposante rampe permet d’acheminer les canons jusqu’aux batteries basses. Un système de gradins cylindriques en pierre permet d’éviter que les pièces d’artillerie ne prennent trop de vitesse.

 

L’ouvrage est protégé au sud, à l'ouest et au nord par des escarpements naturels du terrain et à l'est par un large fossé creusé dans l'épaisseur du rocher. Un pont dormant prolongé d'un pont-levis métallique offre un accès à la porte d’entrée puis au bâtiment de commandement, accueillant l'état-major, aux casernements de la troupe et à des bâtiments à vocation logistique, dont deux puits alimentant la garnison en eau.

 

Les plans de feux du fort sont orientés vers le village d'Avrieux, la route royale reliant Chambéry à Turin et la Redoute Marie-Thérèse. Côté sarde, le fossé est flanqué par des caponnières, ouvrages détachés de l'escarpe.

 

Un double système de circulation traverse les constructions de part en part : escalier pour les hommes, rampes pour le matériel tiré par des mules.

En 1833, un pénitencier est édifié, notamment afin de retenir des libéraux italiens au sein de ses murs.

Voué à servir de base de départ d'une éventuelle offensive, le fort est conçu pour accueillir une garnison de mille cinq cents hommes, servant trente-cinq canons.

En 1939, le génie construit une casemate double pour mitrailleuses au pied du mur de soutènement de la place d’armes.

 

La redoute Marie-Thérèse

La redoute Marie-Thérèseest l’unique ouvrage du dispositif de défense de l'Esseillon bâtit sur la rive gauche de l'Arc. Edifié entre 1819 et 1825, il est le premier terminé du système fortifié. Sa mission est de barrer la route royale du Mont-Cenis.

Le bâtiment, dégagé par un large glacis du côté de la route, est protégé par un large fossé. Son entrée est placée sur le côté nord, sous la protection des feux du fort Victor-Emmanuel. Un pont dormant en bois sur piles maçonnées et un pont-levis donnent accès à la redoute par une gorge.

L’ouvrage se présente sous la forme d'un fer à cheval irrégulier avec une branche ouest allongée pour battre la porte d'entrée et le pont-levis. La partie convexe du fer couvre la route royale du Mont-Cenis et le virage du pont du Nant selon un angle de 180°. Le bâtiment comporte trois niveaux, dont deux « à l'épreuve de la bombe ». Le rez-de-chaussée est affecté au stockage des munitions, des provisions et au cantonnement de la garnison. Le premier étage contient les pièces d'artillerie. Le dernier niveau, comme sur les forts voisins, est constitué d'une terrasse accessible, recouverte d'une épaisse protection de terre et protégée par une toiture de lauzes démontable.

Deux galeries de fusillade enterrées dans la contrescarpe du fossé assurent une défense rapprochée efficace.

 

C’est un ouvrage complexe, conçu pour fonctionner de façon pratiquement indépendante. Il n'est relié au fort Victor-Emmanuel que par la fragile passerelle suspendue et par un monte-charge de service franchissant les gorges. En cas de siège, la garnison doit se suffire à elle-même, tout en assurant le verrouillage du fond de vallée.

Un pont tournant, pivotant sur un axe, commandé par un corps de garde, distant de cinquante mètres de la redoute, reliée à elle par un souterrain, est édifié de manière à protéger le passage de la route d'accès au fort.

 

 

 

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